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Le blog de JeanM

21 novembre 2007

4.7 Les temps de la faim - 4

Au terme de la trève, la cherté revient à l'ordre du jour. La baisse ne se déclare qu'au printemps suivant, après de fort arrivage de la Baltique.

Une sécheresse persistante, en 1626, tarit routes les sources, même les endroits marécageux... En 1948 et 1650, les peurs avaient une cause contraire : persistance d'un temps humide et pluvieux. En 1650,les grains avaient versés et étaient menacés de pourriture. Mais les pluies cessent et on peut procéder aux travaux de moissons. En 1675, ce sera le prix du pain qui occasionnera quelques mécontentement en Belgique.

Durant les dix dernières années du XVIIe s., notre pays est constamment le champs de bataille où les armées étrangères viennent vider leurs querelles politiques. Il s'en suit tout naturellement une disette qui sera presque incessante. A Anvers, en 1693, trois émeutes successives y éclatent et se terminent par le saccage et le pillage de plusieurs boulangeries et brasseries...

Ce seront 1698 et 1699 qui seront les années les plus calamiteuses. Un violent orage, survenu le 9 juin 1698, ravage une grande partie de nos provinces. Des grelons d'une grosseur exceptionnelles avaient haché les champs. On rapporte qu'en divers endroits, ils s'étaient "congelés sur place, présentant ainsi, en plein été, le phénomène hivernal du verglas" ! La zone atteinte couvrait un bon tiers du territoire de la Belgique. La situation de crise oblige les autorités, par placard du 9 novembrev 1698, à interdire les exportations de grains sous peine de mort !! A Anvers, où de nouveaux troubles risquaient toujours d'éclater, on prend un certains nombre de mesures afin d'éviter l'usage du grain : non seulement on interdit la fabrication du genièvre, mais on interdit également aux boulangers la fabrication du "pain d'épice" dont la consommation étaient alors beaucoup plus élevée que de nos jours. Par contre, on autorise la fabrication d'un pain composé de froment, de seigle, d'orge et d'avoine. Le goût ne devait guère plaire aux consommateurs puisque beaucoup de gens préférèrent se nourrir de farine de sarrasin délayée avec du sel et de la levure, en un mot ce que l'on appellera plus tard "koekebakken" ou "boekweitkoeken"

Le XVIIIe s. s'ouvre sur un événement qui devait avoir une immense importance pour l'agriculture et pour la population. Plus de cents ans s'étaient déjà écoulés depuis que Charles Clusius et l'amiral Walter Raleigh avaient fait connaître la pomme de terre, le premier en Belgique et le second en Angleterre. Mais la plante n'était alors connue que des seuls botanistes et de quelques curieux qui la cultivaient dans leurs jardins comme une curiosité. Vers l'an 1650 seulement, on commence à en parler en Flandre. Un frère charttreux, Robert Clarke, apporte quelques tubercules d'Angleterre. Elles furent plantées près de Nieuport, mais la tentative demeure sans suite... Le "solanum tuberosum" reste donc dans le domaine de la botanique. Un ecclésiastique d'Anvers, François Van Stenbeek, botaniste reconnu, en possédait un plan en 1675, mais il ne semble pas avoir essayé d'en développer la culture.

En fait, la omme de terre doit lutter contre un préjugé qui la faisait regerder comme nuisible et malsaine. On ne pouvait pas imaginer, à l'époque, qu'une plante aux fleurs vénéneuses puisse produire des fruits sains et nourrissants ! Ce sera un habitant de Bruges, nommé Verhulst, qui distribura aux cultivateurs de Flandre une grande quantité de pomme de terre, sous la promesse formelle de les planter. On admet que les premières récoltes servirent d'abord au bétail... qui ne fut pas empoisonné ! Ce sera vers 1740 que l'on verra apparaître les premières pomme de terre aux marchés des villes. On aurait dû élever une statut à ce modeste Verhulst... au lieu de l'oublier complétement ! Mais l'homme n'est jamais assez prudent losqu'il déclare alors :Désormais, les famines seront impossible !". Fol orgueil qui recevra quelques châtiments éclatant...

Le XVIIIe s. nous offrira un tableau bien différent du XVIIe s. D'abord parce que rien de particulier ne se passera durant la première moitié de ce siècle s'il faut en croire les annales : ni la guerre de succession d'Espagne, ni le terrible hiver de 1709 n'auraient occasionné de disette.

Mais après l'hiver 1740, on est moins heureux. Le froid persiste durant tout le printemps : en juin, les arbres étaient encore sans feuilles et les près sans herbe. Nouvelle flambée des prix... Le foin lui-même devient tellement rare que mêem le bétail meurt de faim ! Des importation hollandaises rétablissent peu à peu l'équilibre. Une autre disette de déclare en 1781, principalement en Hollande.

Entretemps, la culture de la pomme de terre s'était propagée à toute l'Europe. Seule la France résistera longtemps...

En 1783, survient un phénomène sans explication : un brouillard sec s'étend sur presque toute l'Europe ! Il apparaît le 29 mai à Copenhague, enveloppant le Danemark et le Jutland. On l'observe successivemnt en Angleterre, en Hollande, en Belgique, en France, en Allemagne et en Italie. Il franchit ensuite la Méditerranée et arrive le 1 er juillet sur le mont Altaï...

Le 13 juillet 1788, vers midi, une nuée "parfaitement noire et opaque" se forme sur le golfe de Gascogne. "Sillonnée en tous sens par la foudre, portant dans ses flancs la ruine d'une foule de laboureurs" elle franchit en deux heure l'espace entre Bayonne et le Rhin, traversant ainsi la France et les Pays Bas "sur une longueur de 250 lieues et une largeur de 50". Durant les sept à huit minutes que durait son passage dans chaque localité, une obscurité profonde voile l'horizon et une grêle effroyable se décharge sur les campagnes et hache le blé sur place...

1794 : la Belgique vient d'être violemment réunie à la France républicaine. Les campagnes sont vidées par les incessantes réquisitions des agents de la Convention et le "maximum" est en pleine vigueur. On disait alors des républicains  : "gens sans culottes mais non sans vastes poches"...! Bref, la disette devient extrême ! Ajoutons que la classe ouvrière était au chômage : presque tous les établissements industriels et le commerce en général connaissainet une stagnation complète. Il y eu aussi un hiver rigoureux et l'on assista unpeu partout aux mêmes scènes : des hommes et des femmes, dès 6 heure du matin, assiégeant les portes des boulangers, offrant des assignats pour avoir du pain qui contenait souvent plus de son que de farine.

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Il faut maintenant faire uen distinction entre "disette réelle" et "disette factice".

Cette dernière peut être le fait d'individus spéculant sur les besoins publics, mais elle est bien plus souvent la faute des gouvernements. C'est à eux qu'il appartient de prévenir les disettes réelles en s'abstenant de ces brigandages organisés que les diplomates qualifient pompeusement de "guerres politiques" et qui n'ont d'autres résultats que de se faire entretuer des milliers d'hommes, d'aggraver les impôts, de ruiner les peuples, de spolier les cultivateurs, de ravager les campagnes, de suspendre la production et de provoquer ainsi des hausses artificielles sur tous les articles de consommation !

Par conséquent, les disettes résultant des rassemblements armés, des dépradations de la guerre, des arrangements politiques, sont des disettes fcitives, tout comme celles provoquées par les spéculateurs ou par les restrictions douanières. C'est le fait des hommes...

Les disettes "réelles" ont leur origines dans la  nature avec des causes diverses : essentiellement climatiques comme les grêles,les pluies, les gelées, les sécheresses, les inondations, les  ouragans. D'autre scauses seront cryptogamiques ou dû à des larves d'insectes.

Venons-en au XIXe siècle... La première disette se déclare après l'hiver 1801, extrêmement doux qui fut suivi d'un printemps hivernal : des vents arides et des gelées tardives détruisent les floraisons précoses. Les prix des grains s'en ressentent : en juillet 1802, l'hectolitre se vend 36 fr 30...  Ici, il peut paraître évident que la disette serait dû à une insuffisance des récoltes, mais les prix sont bel et bien factices. On constate en effet que les prix moyens n'étaient alors que de 22 fr 07 pour le froment et de 16 fr 04 pour le seigle...

Plus grave sera la situation de 1812... C'est l'époque où l'empire napoléonien s'étend des rives du Tibre à celles de l'Elbe. Il était à l'apogée de sa puissance. Une affreuse sécheresse qui s'était prolongée durant tout l'été de 1811 et où s'étaient mêlées des orages violents avait ruiné les céréales dans presque toute l'Europe. Le blé grimpe à 70 fr l'hectolitre ! On entre alors dans l'hiver 1811 - 1812 durant lequel Napoléon achève ses immenses préparatifs pour la funeste campagne de Russie. Le peuple pendant ce temps murmure et Napoléon le sait : pressé de ne plus les entendre, de décharger sa politique de toute connexion avec la cherté des vivres, il flatte les masses qu'il fait souffrir. Il accuse les fermiers et les détenteurs d'abuses de la détresse du peuple et d'&élever les prix hors de toute mesure...

Mais même les procédés violents ne peuvent venir à bout de la hausse qui est d'autant plus forte qu'on écarte davantage le commerce...

"Ainsi, observe M. Thiers, la veille même du jour où Napoléon partait pour une guerre insencée - celle de Russie - il essayait de violenter ce qui n'a jamaus pu l'être, le commerce, en lui imposant des prix arbitraires. C'était comme un témoignage d'affection qu'il voulait donner à ce peuple français dont il allait conduire des milliers d'enfants à la mort, triste témoignage, qui n'était qu'une flatterie vaine et funeste, pour apaiser les murmures que la faim et la conscription élever jusqu'à lui".

Maintenant, on ne trouve guère de trace d'une sécheresse quelconque... On sait que les récoltes ont réussit dans le Midi et que la disette de 1812 n'aurait atteint que la Belgique. On sait aussi que dans les département du Nord, le sac de blé atteignit 165 fr !! Le blocus continental empêche l'arrivage des grains de la Baltique. Ce même blocus interdit aux grains du Midi de remonter vers le Nord : le cabotage étant à grand risques en présence des croiseurs anglais. Dans les faits, les décrets de Napoléon autorisant une tarification arbitraire, datés des premiers jours de mai 1812, n'exercèrent aucune influence...

Il faut attendre la récolte de 1812, qui sera réputée "heureuse", tout autant que celle de 1813, pour voir le terme de la détresse. A propos de la récolte de 1813, il est à signaler que les fameuses gelées de 1812 n'agirent pas sur les céréales, malgré les - 17° que l'on a enregistré en Belgique, avec trois semaines de gelées consécutives.

La grande disette des années 186 - 1817 eut diverses causes : d'abors les invasions des aliés en France et en Belgique où les réserves étaient déjà extrêmement faibles après les campagnes de 1814 - 1815. Les pluies ensuite, survenues en juin,juillet et août, entravent les travaux des moissons. Les grains ne purent rentrer que considérablement avariés et la récolte fut extrêmement mauvaise, tant pour la quantité que pour la qualité. Il faut ajouter les déficit dans le fourrage et les pommes de terre et les pertes dans le bétail. Ces années-là, la misère fut extême pour les pauvres et entraîna une grande mortalité. Des désordres apparaissent à Anvers, Bruxelles, à Gand où les boutiques des boulangers sont attaquées et pillées. On note encore un déficit partiel en 1818 - 1819 - 1820. Le prix du grain baisse et se maintient jusqu'en 1825.

Viennent ensuite les hivers 1826 - 27, 1828 - 29 et 1829 - 30 très rigoureux durant lesquels le thermomètre descendit jusqu'à - 18°. En fait le déficit des récoltes serait dû en ces années-là à la présence du "cécydomyie", petit diptère dont la larve dévore le pollen des arganes mâles du froment.

Après la crise politique occasionnée par la séparation de la Belgique et de la Hollande, le commerce des grains prend un certain développement, les récoltes généralement favorables aidant, les prix de 1833 reviennent à un taux fort bas. Pour faire taire les plaintes des cultivateurs, une loi établit l'année ssuivante ce que l'on appelle l'échelle mobile en mettant des restrictions à la libre entrée du froment et du seigle, tant qu'il n'aurait pas atteint respectivement le taux moyen de 20 et de 15 fr, calculé d'après les prix moyens hebdomadaires des dix principaux marchés du pays. On songea même à renforcer ces directives. Une loi fut adoptée en 1845 par les deux Chambres. Elle allait être promulguée malgré les réclamations générales lorsqu'une calamité imprévu vient faire avorter cette nouvelle législation que les populations avait surnommées "loi de famine".

Encore un petit retour en 1842 qui mérite ici une attention particulière, ayant beaucoup d'analogie avec celle de 1801. Après quatre ou cinq jours de petites gelées, en décembre 1841, survient un temps fort doux jusqu'à la fin du mois et les températures se maintiennent jusqu'à la mi-mars 1842 avec des alternatives de pluie et de beau temps. Le thermomètre marquait constamment 8 à 12° et montait même à 20°. La végétation est donc précoce, mais le froid et la neige surviennent le 15 mars : toute croissance est brusquement interrompue. Les premières chaleurs se manifestent le 18 avril et la verdure reparut du 20 au 26 de ce mois. L'été qui suivit fut tempéré, sans grandes pluies et sans  excès de chaleur. Dans ces circonstances, la moisson fut excellente.

Donc, trois ans plus tard, l'Europe est envahit par un nouveau fléau, qui allait régner dix années consécutives. Fléau mystérieux pour les uns, facile à expliquer pour les autres. On constata que le mal était bien plus grave qu'en 1781. Il ne se bornait pas aux tiges, mais attaquait les tubercules mêmes qui se couvraient de taches, devenaient noires, exhalaient uen mauvaise odeur et pourrissaient par millions... On a d'abord cru que ce mal pourrait se borner aux espèves hâtives et épargnerait la provision hivernale : espoir déçu. Dès que l'on prit conscience que le déasatre était complet,la hausse de la pomme de terre s'envole de 3.50 à 4 fr l'hiver précédent à 9 à 12 fr l'hectolitre ! Et encore s'agissait-il de tubercule de médiocre qualité. Les bonnes pommes de terre étaient si rares que les riches se les arrachaient au poids de l'or... Naturellement l'anéantissement de la récolte de pomme de terre réagi sur les prix des grains et des autres denrées, le tout à la hausse  ! On constate cependant que ces hausses étaient différemment appliquées selon les régions. Seule issue pour le gouvernement : permettre la libre entrée des cérales et autres denrées ! D'autre part 2 millions de francs furent alloués aux communes, soit à titre de prêt soit à titre de secours. Cette dernière mesure était indispensable pour les petites communes rurales où les petits exploitants et les ouvriers, qui se nourrissaient des pommes de terre cultivés dans leurs jardins, étaient menacés d'être décimés par la famine par suite de la destruction de leur récolte... Mais tout cela ne dissipe pas la crise !

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13 novembre 2007

4.7 - Les Temps de la Faim - 3

Les années 1520, 1521 et 1522 furent des années de disette. Les lubeckois ayant capturé deux cent navires de  grains destinés à la Flandre, leprix du blé monte, monte... A Anvers, d'après le notaire Bertryn, la classe indigente dut se contenter de pain de farine d'orge, de pois et de haricots. 1531 - 32 voit une interruption de la navigation dans la Baltique. Hausse du seigle... ! Situation sauvée par les Brêmois qui parviennent à nous envoyer de temps en temps quelques navires. Ce  qui soulageait les habitants de la côte, mais pas ceux de l'intérieur des terres ! D'où quelques troubles, comme le 3 juillet 1531 quand cinq à six cents ménagères défilèrent dans les rues de Malines aux cris de "Du pain ! Du pain...". Lorsque la paix sera conclu dans le Nord, ce sont quatre cents navires hollandais et belges qui partent pour la Baltique pour en ramener du blé...

L'année 1548 n'offre pas de crise proprement dite, mais des fluctuations conséquentes dans les prix... Des bruits alarmants se répandent et déterminent une hausse du florin au marché du 15 mai. A l'apparition des premiers arrivages de grains du Nord, le 22 mai, les prix fléchissent. Cette fluctuation peut nous sembler tout à fait banale, mais à l'époque il apparaissait assez considérable si l'on se reporte à la valeur de l'argent.

En 1557, les religieux de l'abbaye Saint Pierre de Gand veulent intervenir en faveur de la Hollande où une famine menace. Mais ici, ce  blé était exclusivement destiné à la nourriture des pauvres, d'où toute une série de mécontentement : la foule attaque et pille les maisons que l'on soupçonnait contenir du blé. Mais quelque soit la situation, c'est toujours le bénéfice de quelques uns qui prime sur l'intérêt général. car peu après, ce sont quatre navires chargés de seigle et d'orge qui arrivent à Gand. Ce grain fut exclusivement réservé pour les habitants des banlieues et il gut défendu d'exporter du blé autrement que sous forme de pain. Cette défense, assez étrange, ne servait en fait qu'à enrichir les boulanger. Une "Petite chronique de Gand" nous apprend en effet que les villageois accouraient de plusieurs lieues à la ronde pour chercher du pain en ville. Ils payaient d'avance, puis hommes et femmes se couchaient devant les portes des boulangeries, attendant patiemment la fin de la cuisson ! D'autre part, n'obtenait pas du blé qui voulait : par mesure d'ordre, il fallait d'abord se munir d'un jeton de plomb, portant la lettre "G" couronné. Ce "jeton de détresse" (noodpenning) donnait droit à recevoir le dimanche, à l'hôtel de ville, une petite mesure (meuken) de blé du Nord, moyennant le paiement de dix sous.

D'après un contemporain, la famine et la peste qui lui servait d'auxiliare, auraient enlévé, de juillet 1556 à juillet 1557, quinze mille personnes à Bruxelles. Le 3 mai 1556, le Magistrat avait fait distribuer, par petites portions, des grains aux habitants, mais les paysans accourus en grand nombre se jetèrent sur les bourgeois et leur enlevèrent en partie les denrées qu'ils avaient reçues.  On imagine l'émeute qui s'en suivit...! La situation semble se calmer en juin lorsqu'on apprend l'arrivé des grains du Nord en Hollande. Entretemps, les prix des denrées restent à des prix anormalement élevés. Le 10 juillet, un convoi pénètre en ville : baisse générale des prix... Il semble curieux que les historiens d'Anvers ne fassent pas mention de cette disette. Mais si l'on en croit l'anonyme F.G.V. de la "Petite Chronique", les prix pratiqués à l'époque ne sont pas le reflet de la réalité : il s'agit bel et bien de spéculation frauduleuse ! On laisse arriver la disette et on gonfle les prix... On tient le grain du Nord en réserve dans quelques port balte et on attend... les bénéfices ! Dans ce laps de temps, la population se résigne dans ce qu'elle croit être une disette "normale" et met la main au porte-monnaie. Toujours est-il que la "Petite Chronique d'Anvers" est d'accord avec la "Nouvelle chronique du Brabant" pour attribuer la baisse des prix à l'arrivée, en Hollande, d'une flotte des grains du Nord...

Reste encore ce problème particulier des mesures et des monnaies de compte qui variaient sensiblement d'une province à une autre. D'autant plus que les textes sont souvent confus, incomplets ou très peu explicites... Les termes "rasières" et "veertel" peuvent être susceptible de nombreuses interprétations. En comparant les prix payés pour le"veertel" de seigle à Anvers et à Malines en 1546, 1548 et 1557, on remarque qu' ils  s'appliquent effectivement à des mesures différentes. Mais donner tous ces détails n'entre pas dans le cadre de cette histoire...

Mentionnont encore briévement les disettes de 1565 et de 1575. La première par une lettre du Magistrat d'Amsterdam qui dot débourser 27.000 florins pour se procurer du blé; la seconde, à Namur, où là aussi le Magistrat dut faire des provisions de grains.

A cette époque, les troubles et les guerres de religion sont dans toute leur fureur...Là, inutile de faire référence aux historiens d'aujourd'hui. C'est dans les mémoire du temps qu'il faut lire le spectacle qu'offraient ces guerres atroces où les deux parties rivalisaient de cruauté. A cela s'ajoutaient les excès commis par les "Vributers" et les "boute-feu". A tel point que le villageois ne pouvait plus reconnaître ses alliés de ses amis ! Avec le brigandage incessant, c'est la mort du commerce. On torture et on rançonne les cultivateurs, que l'on soit d'un parti ou de l'autre ! D'où le vide des campagnes... Si un voyageur osait encore s'aventurer en ces régions, il n'aurait rencontré que des villages... vides ! Dans ces conditions, comment s'étonner d'une disette permanente ? Nous aurons donc à jouter les années 1569, 1572, 1575, 1580 et 1582.

Un exemple de la situation nous est donné par l'abbé Valerius, qui nous donne une idée des prix pratiqué à Malines en 1580 : le 18 janvier de cette année il ne fut exposé, à la boucherie qu'un seul mouton dont on débita à peine un quarteron de viande au prix de douze sous la livre, prix exorbitant, mais qui s'explique par la rareté du bétail.

Avec l'arrivée du Prince de Parme, nous descendons encore d'un cran dans l'horreur au quotidien... plusieurs viles seront successivement assiégées et bloquées : la famine se promenant de l'une à l'autre. Pour méoire, nous citerons Gand en 1584, Bruxelles et Anvers en 1585. J'admet que l'on n'y verra pas les horreurs que subit la ville de Leyde, assiégée par François Baldez... On n'y verra pas les gens dévorer les chiens et les rats, ni s'abreuver du sang des animaux recueillit dans... les égouts !! A Bruxelles cependant, vers le milieu de janvier, on dut se passer totalement de viande et de poisson et se contenter de pain d'avoine et de drêche. Le blocus se resserre et toute communication avec l'extérieur devient impossible. Et c'est la détresse qui s'installe et avec elle, l'anarchie ! La famine entraîne le meurtre, le suicide... Des malheureux tombaient d'inanition dans les rues et Dinothus porte à trente le nombre de ceux qui meurent journellement. Strada assure qu'une femme s'empoisonnera avec ses enfants pour échapper au supplice de la faim. Le 3 février, on pendra sur le marché un bourgeois qui avait assassiné son voisin pour lui enlever ses aliments... Quant à ceux qui tenteront de s'échapper, les hommes  seront pendus par les Espagnols comme espions et les femmes renvoyées vers la ville, la robe coupée jusqu'aux genoux (?).

La nouvelle de la reddition d'Anvers est acceuillit avec soulagement. On s'imaginait que les maux enfantés par la guerre allaient avoir un terme... hélas, ce ne sera que le prélude à une crise terrible aggravée par les ravages exercés en Brabant, en Flandre et en Hainaut. Autant par les maraudeurs que par les "Malcontents" et les Espagnols qui vont ruiner, épuiser les villes et les campagnes au point que même l'armée du Prince de Parme manquera de vivres...

La Flandre et le Brabant subirent les dévastations les plus horribles causées par les bandes licenciées après la retraite de François d'Alençon et d'Ernest Casimir... C'est l'auteur anonyme des "Anciennes notules sur la ville de Gand" qui raconte : "Tout le pays de Flandre se trouvait dans un état d'appauvrissement indescriptible et incroyable, par suite de la cherté des denrées et des habillements. Il n'y avait ni commerce, ni négoce, car le tiers des maisons de Gand étaient à vendre ou à louer. On affirnait que, dans cette ville seule, neuf mille passeports avaient été délivrés. L'herbe y croissait partout et, dans une des principales rues, on vît paître deux chevaux. Dans la campagne alentour,les granges, les fermes,les châteaux avaient été mis à sac. Dans les villages, on n'aurait pu trouver une seule maison non dégradée, aussi le peu d'habitants qui y étaient restés logeaient dans de misérables cabanes. Le pays est tellement dévasté dans un rayon de huit à dix lieues que les champs ne présentaient partout que des genêts et des ronces. Nul n'osait plus se hasarder dans les campagnes désolées, de crainte d'être pris par les maraudeurs d'Ostende ou les routiers de L'Ecluse, ou bien encore, si on les évitait, d'être attaqué par les loups, dont la rencontre était tout aussi dangereuse, car ils infestaient tout le pays et on prétendait qu'ils avaient dévoré plus de cent personnes dans les environs de Gand". A la même époque on dit de la Campine qu'elle était pratiquement dépeuplée... ne parlons pas des environs d'Anvers ou des riverains de l'Escaut qui avaient eu à lutter à la fois contre la guerre, le pillage et les inondations ! Tous les alentours d'Anvers étaient dans un état de désolation dont on peut difficilement se faire une idée...

La famine éclate donc en 1586 !

Tous les historiens contemporains retracent les souffrances d'un peuple pendant ces deux années extra-calamiteuses. je vous épargne la longue liste des prix du blé et autres denrées... mais on parvenait encore à trouver un peu d'orge, d'avoine, de sarrasin, de vesces, de pois, de haricots ou encore des tourteaux de lin à des prix chaque jour à la hausse.

Quant au poisson, il était devenu inabordable, même pour la haute bourgeoisie...

Dans cette situation, on se voit réduit à toutes sortes d'expédients pour battre monnaie afin de subvenir aux besoins des populations. Les rentes, les terres, les maisons pouvaient s'acquérir à vil prix. A Gand, où la bourgeoisie était écrasée par une espèce de taxe des pauvres, appelée le cinquième denier, une maison qui coûtait ordinairement six à sept livres de gros, se vendait pour la bagatelle de six à sept sous... Imaginait le nombre d'usuriers qui s'enrichirent aux dépens d'honnêtes familles !! Des gentilhommes, d'honorables négociants tombent ainsi dans la mendicité. A Anvers, on vit des gens, naguères aisés et encore couverts de soie et de velours vendre leurs joyaux,leurs argenteries, leurs meubles et qui se glissent le soir dans les rues, le long des maisons,mendiant leur pain de porte en porte... Des bourgeois réduit à fouiller les tas d'immondices, disputaient aux chiens quelques os dénudés, quelques pelures de navets, quelques feuilles de choux...

Lea ravages de la famine  ne se bornent pas à la Flandre et au Brabant. On peut lire, dans le manuscrit d'Adrien d'Esclaibes, seigneur de Clermon en Cambrésis : "Anno 1587 fut une si extrême cherté de beld, que la plupart des pauvres gens ammaient mourant de faim et plusieurs qu'on trouvast morts journellement aux champs, villaiges et ville, qui dura juqu'au commencement du mois d'aoust, que fut vendu lebled seize et vingt florins lemencaud pour un temps".

Après août 1587, la spéculation reprend de plus belle après les excès des troupes espagnoles envoyées contre la ville de L'Ecluse. Lisons à nouveau le "Notules de Gand" : " Partout sur leur passage, ils enfonçaient les portes des granges et des étables, pillaient le peu de provisions qui s'y trouvaient, coupaient les grains sur pied et emmenaient les bestiaux". Bref, on pourait croire que c'était des troupes peu disciplinées... A moins que ce ne soit vraiment une armée qui avait faim !!

Malgré cet état plutôt catastrophique, il apparaît que l'année 1588 se porte nettement mieux. Après les fortes importation de grains du Nord, la moisson fut excellente sous le double rapport de la quantité et de la qualité. Donc, nouvelle période d'abondance... de courte durée, car 1591 nous replonge dans l'incertitude toujours entretenue par l'état de guerre. En 1595, la peur de voir renaître les disettes et la famine donne quelques appréhensions. 1597 voit les spéculateurs exporter des masses de blé. Vers où... ?

On parle peu de ces spéculateurs, sauf pour nous rappeller qu'ils existent et qu'ils ont eu, plus d'une fois, un rôle néfaste dans l'économie de nos provinces. Dans l'époque où nous nous trouvons, ils réapparaissent en 1585. En octobre, on pouvait encore se procurer du froment à 21 escalins et du seigle à 19 escarlins le "veertel". Dans la situation où se trouvait Anvers, ces prix pouvaient encore paraître raisonnnable. Mais  les registres de la chambre des pauvres, fin novembre de la  même année, enregistrent des hausses à 30 et 28 escarlins... Ici, deux causes bien précises : la perte totale de la récolte, au moins que les territoires dévastés par la guerre et les inondations. Ensuite, l'Escaut étant fermée à la navigation et les Hollandais occupant Ostende, toute importation par la mer était devenue impossible, si ce n'est par Calais et Dunkerque, d'où l'on pouvait faire venir le grain à Gand. En matière de distribution, gand devient donc une sorte de plate-forme de distribution qui centralise les arrivages. C'est à Gand que l'administratin des pauvres d'Anvers se procure, le 5 janvier 1586, 417 "veertels" de seigle au prix de 2919 florins. Somme exorbitante...

On admettra que ces importations par terre pouvait être lente et coûteuse vu l'état détestable des routes. Mais de Dunkerque à Gand existait des canaux et la Lys... ! Dix ans plus tard, un placard du 12 nobembre 1599 nous donne une idée de l'état de ces routes, prétendument utilisées pour le transport du grain : "Les grands chemins royaux sont par trop serrez et couvert de bois, hayes, genêtres, ronches et buissons qui y sont creuz d'un côté et d'autre à faute d'habitation et agriculture, accédant de plus que lesdits chemins sont si fangeux et incommodes que les passans sont plus souvent arrestez ès lieux difficiles et estroits, n'ayant moien quasi d'en sortir".

Les grains ne sont donc pas parvenus à Gand par la route... mais on a fait comme si... ! Et Gand, à son habitude, à grévé ce blé d'énorme frais de transport.

Au début du XVIIe s., les désordres sont loin d'être réprimés. Le blocage de l'Escaut eu cependant des résultats plutôt heureux : les villages se repeuplent et on assiste à une augmentation des cultivateurs. La trève de 1609 donnera au pays douze ans de repos.

12 novembre 2007

4.7 - Notes : les Temps d la faim - 2

Les abbayes, dans les campagnes, étaient journellement assaillies par la foule affamée, et les abbés, souvent à bout de ressourses pour la contenter, avaient recours à des expédients. Eylardus, abbé des Bernardins d'Adewert, près de Groningue, fit confectionner une marmite monstre, dans laquelle on prépara tous les jours le repas de trois cent pauvres : ce chaudron a été longtemps conservé dans un hospice de cette même localité. Un autre souvenir se voyait jadis dans l'église de Saint Pierre, à Leyde : c'était un pain pétrifié. Voici comment la tradition en explique l'origine : une femme avait reçu à la porte d'un couvent un pain d'orge, et désirant le garder pour elle seule, elle affirma, sous serment, à sa soeur qui lui en demandait une part, qu'elle n'avait pas de pain dans toute la maison, ajoutant que, si elle mentait, il fût changé en pierre, ce qui fut faut.

Dans la suite du XIVe s., la  Flandre ne fut plus si durement touchées. Il y eu cependant quelques crises alimentaires, notament en 1343, 1351, 1361 et 1363? Résultat : le prix des grains ne cesse de monter au point que le pain sera une denrée plus chère que la viande ! Si l'on se reporte aux chroniques, le XIVe s. aurait connu 20 années de famine...

Au XVe s., la première qui se présente en Flandre est celle de 1409 : elle ne durera pas, beaucoup de navire du Nord ayant importé des grains. Nous verrons d'ailleurs que cette importation était indispensable, ce qui nous amène à conclure que le pays ne produisait pas assez de blé pour subvenir aux besoins de la population. Les années 1429, 1431, 1432 et 1433 seront également annotés comme années de disette; la première et la dernière pour la Frise, les deux autres pour les Flandres et le Brabant. pendant les mois de mars, avril et mai,le vent était invariablement à l'est et au nord-est; la nuit le ciel était serein, mais le jour, le temps devenait couvert et nébuleux, sans qu'il pleuve. La gelée se maintint jusqu'au commencement de juin et letemps restera froid jusque la fin de ce mois. Le soleil n'apparut que le 30 juin. Il se mit ensuite à pleuvoir, de sorte que tous les grains arrivèrent à maturité.

On l'imagine à peine, mais durant tous ces siècles, les temps d'abondance furent rares... Si l'on en croit les historiens, de quelques spécialistés qu'ils soient, les XIIe et XIIIe siécles auraient été favorisés par un climat sensiblement plus doux que le nôtre... C'est vrai, mais le climat n'est pas chose linéaire, ce que cette étude démontre parfaitement. Mais les effets du climat peuvent aussi être indirect... On sait que de grandes inondations bouleversent les provinces septentrionales. Avec la hausse du prix du ble, on attend donc avec impatience l'arrivée des navires du Nord. Et on apprend que toute la flotte a été prise !! Il s'ensuit un malaise général d'où des troubles et des pillages. Et c'est bientôt une véritable famine qui sévira pendant presque quatre années, de 1437 à 1440. C'est dans ces années-là qu'on observe à Bruges des malheureux obligés de se contenter des tourteaux que l'on mêle habituellement à la nourriture des vaches.

Si les détails fourni par les chroniques contemporaine sont exacts, certaines localités ont dû être durement touchés : Roulers aurait été tellement dépeuplée que les loups habitaient les maisons vides (?). Galliot affirme qu'à Namur, environ 8.000 personnes seraient mortes de faim. A Namur toujours, une dame charitable organise une distribution de pain devant la porte d'un couvent : les indigents accourent en masse tellement compactes que 18 personnes furent étouffés par la foule. On rapporte aussi l'exécution d'une femme, à Abbeville, dans la Somme : elle était accusée d'avoir assassinée de jeunes enfants et d'en avoir salé et vendu les chairs ! Elle fut brûlée vive en place publique.

En 1440, c'est la fin de la crise alimentaire et les blès reviennent à un prix plus normal. Cependant, il existe sur l'époque de nombreux bruits tendant à prouver que la longue durée de la famine serait essentiellement dû à des spéculations auxquelles Anvers ne serait pas étrangère...

Suivent quarante années... d'abondance !!

Néanmoins, revenons à Anvers où   il se passent des choses bizarres. Bertryn, dans ses Chroniques, nous dit : "Anno 1480, le 11 août, on ne trouva plus de pain en vente à Anvers; ce fut la troisième ou la quatrième fois... " Apparemment, on ignore ce qui a pu se passer dans une ville aussi commerçante et quelle en fut la durée, mais ce qui est sûr, c'est que l'année suivante le Magistrat se trouva dans l'obligation d'acheter du blé pour approvisionner la ville...

Les autres disettes du XVe s. sont toutes locales : 1481 dans le namurois; 1482 en Flandre; 1490 en Hollande; 1491 en Brabant et en Flandre et 1492 dans les provinces de Frise et d'Overyssel.

Maintenant,l'expérience démontre que toutes ces appréciations ne sont pas exactes. Dans tout ce qui précède, on relève,comme causes essentielles les années de guerres, la dévastation des champs, les excès de froid ou de chaud, l'humidité, les gelées, les orages,les inondations, les grêles, etc... Ne pas oublier les épizooties, les maladies des céréales et la pullulation de certains insectes.

Reste toutes les causes qui doivent être imputés aux gouvernements, aux frivolités politiques, à toutes les causes qui permettent de dévaster un pays tout entiers, les mesures fiscales, tout ce qui entrave la libre circulation des grains. Sans oublier les spéculateurs...

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Lorsque le pain entre dans la consommation usuelle du peuple, le blè devient graduellement la base principale de l'alimentation. Dans le même temps, c'est toute une branche commerciale qui se développe au point de devenir une industrie à part entière qui va du champs à la table en passant , sur le plan local, par le  paysan et le  menier. Mais qui deviendra également  un commerce "au long court" à travers toute l'Europe du Nord et motif à de nombreux trafics et spéculations frauduleuses. Car les défrichements peuvent bien augmenter en nombre et en étendues, la production est loin de suffire aux besoins du pays. On en connaît la cause : une population en augmentation constante depuis le XIe s. D'où la nécessité d'importer de Scandinavie un supplément annuel de blé. Au XIIe s. déjà, la Flandre importait des grains du Nord. Au XVe s., ces importations ont devenues un besoin vital. Si elles font défaut,comme cela se produisit en 1438, c'est la famine certaine. Et( c'est unnfait qui se reproduira,comme on le verra plus loin.

Reste la question de la dévaluation de la monnaie. Pour bien faire comprendre ce mécanisme, il faut le simplifier quelque peu. Donc, nous dirons que sous Charlemagne le sou était la vingtième partie d'une livre pesant d'argent. Mais, depuis le XIe s., ce pesant n'était plus d'argent fin :des alliages de cuivre en avaient peu à peu altéré la valeur. Le prix des grains a, pendant ce temps, toujours augmenté : une mesure de froment (en mesure "déterminée") coûtait en France, au début du XIIIe s., un sou; à la fin du XIVe s., trois; et à la fin du XVe s., six à sept (en temps normal). Entre temps, l'altération des monnaies en arrive à un point tel que vers le milieu du XVIe s. le denier (douzième partie du sou), également d'argent pur à l'origine n'était plus fait  que de cuivre pur. On connaît évidemment les répercussions malheureuse qu'aura la découvertes des Amériques : une diminution considérable de la valeur de l'or et de l'argent et, par contre-coup, celui de la monnaie ! A tel point qu'à la fin du règne de Charles-Quint, le prix des grains sera monté au double de ce qu'il était au début du XVIe siècle !!

Arrive l'année 1501 ! Là, tout le monde est d'accord pour proclamer cette année comme la perle des années prospères et heureuses. Qu'on en juge par quelques extraits des chroniques locales : en Zélande, on achetait un seizième de muid, une oie grasse, une livre de beurre et une cruche de vin de pitance pour six sous. A Amsterdam,on donnait pour sept sous, un muid de froment, une jeune oie, une mesure de beurre, un pain de seigle et un pot de vin du Rhin. Enfin, à Alkmar, on pouvait se procurer une vache pour cinq florins du Rhin et un veau pôur onze deniers. Pour la Flandre, les preuves manquent... En tout cas, quatre ans plus tard dans une chronique citée dans "Histoire d'Anvers" (soit en 1504), il arriva une si grande quantité de grains (évaluée à 13.000 veertels) que l'on fut obligé d'en exporter une partie. L'abondance semble être telle que le chroniqueur ajoute que l'on pouvait acheter pour deux "blancs" (pièces de trois liards) douze livres de pain, un pot de vin d'Espagne, un cabillaud, une livre de sucre et ving-cinq oranges.

L'année 1519, même si elle n'égale pas les précédentes, est cependant très favorable : à Anvers, la rasière de fromant coûte douze sous et celle de seigle neuf sous. Et l'on profitera de ces temps heureux pour publier les premiers édits contre les mendiants. Ce sujet particulier sera traité dans un autre chapitre. Mais c'est à cette époque que certaines localités prendront des dispositions légales en y introduisant l'article suivant : "Tout individu surpris et arrêté en flagrant délit de mendicité sera cloué au pilori et y restera exposé jusqu'à ce qu'il parvienne à s'en détacher; après quoi il sera banni à perpétuité de la contré". Sans commentaire...

10 novembre 2007

4.7 Notes : les Temps de la faim - 1

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On peut d'abord croire qu'à l'époque de César, ce qui sera la Belgique devait offrir dans toute son étendue l'aspect d'une forêt continue, interrrompue par des marécages et de vastes espaces recouverts d'eau dès que l'on s'approchait de la mer...

Quelques rares défrichements pouvaient être le lieu de vie de populations plus ou moins nomades qui devaient vivre en grande partie du produit de leurs troupeaux. Les documents sont nombreux qui nous apprennent que la Flandre restait une terre sauvage, inculte, hérissée d'immenses forêst, avec un climat plutôt rude...

Dion Cassius, Strabon, Orose et saint Paulin, qui vécurent du IIe au Ve s., sont unanimes pour dépeindre la Ménapie (la Flandre) et la Toxandrie (La Campine), comme des terres désertes. On cite aussi la forêt de Thorholt (bois de Thor), qui s'étendait entre Gand, Bruges et Thourout et que l'on prétendait impénétrable ! Les régions wallonnes, plus ou moins "civilisées" en bordure des voies romaines,  étaient recouvertes par la Silva Carbonaria couvrant le Hainaut jusque Bruxelles. Les Fagnes seraient ce qui subsiste de la Silva Fabina (forêt de hêtres). Les Ardennes sont les Sulpicius Severus.

Une petite mise au point pour éviter l'emballement commun à nombre de  nos historiens : la "civilisation" se limitait à des points occupés par des établissements romains, même si l'on peut les supposer florissants,mais dont on exagère généralement l'importance. On ne rencontrait alors que deux localités ayant le titre de "ville"  : Tongres et Tournai. Encore faut-il préciser que Tournai n'était en fait qu'une simple station de poste qui n'obtiendra le titre de "ville" que bien plus tard ! Quant à Arlon, Ciney ou Dinant, les documents historiques démontrent qu'elles n'avaient aucune dénomination prouvant qu'il s'agissait de "villes". Du moins, pas avant le Ve s.

Une "ville" d'alors n'était en fait qu'une étendue fort médiocre avec peu de population fixe. Quant à nos futures citées, au VIe et VIIe s, limitons-les à de petites bourgades perdues au milieu des marais, comme Anvers et Gand. Au fond des bois, comme Bruges et Ypres. Ou à de simples châteaux,comme Namur et Huy...

En résumé : des forêts, des marais, des bruyères à perte de vue, des lieux habité, mais encore dans l'enfance; les anciennes colonies romaines abandonnées ou languissantes. Comparée à la Belgique de César, aucun changement important ne s'est produit pendant ce laps de temps de sept siècles ! Aucune modification notable n'est survenue dans les moeurs, les habitudes et les croyances de la majeure partie de la population. Saint Paulin la décrit comme ayant des habitudes nomades et des moeurs "barbares". Dans la légende de Saint Médard, écrite vers l'an 540, les Flamands sont qualifiés de peuples féroces. Les auteurs des légendes de Saint Eloi et de Saint Amand ne sont guère à l'avantage de nos ancêtres.... A tel point qu'en wallonie, à côté d'anciennes meules à blé on découvre souvent des coins de haches en silex !!

Ce qui est certain également c'est que nos ancêtres s'occupait davantage de l'élevage que de l'agriculture. A telle enseigne que les délits contre les troupeaux étaient plus sévérement punis que les dégâts causés aux cultures. Il s'agissait donc bien de tribus nomades qui n'avaient aucun intérêt à se fixer et encore moins à défricher. Ils se contentaient d'ensemencer les terrains qu'offraient les clairières et d'y faire quelques travaux préparatoires, sur un espace fort limité et en se ne songeant qu'aux strictes besoins de la tribu.  Ce genre de vie, au niveau de la subsistance, donnait lieu à un régime alimentaire particulier. S'appliquant faiblement à l'agriculture, la récolte n'aurait pas pu suffire à leur nourriture. Sans doute l'employaient-ils essentiellement à la fabrication de la bière !! Au rapport de Strabon, la base de l'alimentation des germano-belge se composait de viande de porc, de gibier frais, de fruits sauvages et de quelques laitages. Tacite constate que les soldats romains en étaient réduit à la même pitance. La panification devait être un luxe (?) et se borner à la préparation de quelques galettes avec ou sans miel.

Ce régime restera en vigueur pendant les dix premiers siècles. L'usage du pain ne s'introduira que très lentement, à mesure que les centres de population prendront de l'importance. On comprend que l'on sache se contenter des produits de la forêt, de ceux des troupeaux et de de que fournit la chasse et la pêche et qu'une mauvaise récolte de grains ne pouvait pas causer de perturbation assez forte pour faire crier famine...

Il faut remarquer ici un fait frappant et qui ne semble pas avoir perturber les historiens dans leur belle assurance : les invasions et le passage des armées ne semblent pas avoir exercé d'influence appréciable sur les ressources alimentaires des populations des premiers siècles... Alors qu'au XVIIIe et encore au XIXe s. les rassemblements et les grands mouvements de troupes occasionnaient aussitôt la hausse des denrées, puis leur cherté et parfois la disette. Il faut bien évidemment admettre que les besoins étaient différents,les populations moindre et que les "barbares" avaient des méthodes tout à fait différente de ce que seront les tactites militaires de la fin de l'Ancien Régime !

Tout ce qui précède me semble suffisamment expliquer pourquoi, durant cette période de dix siècles, les chroniqueurs n'ont eu à enregistrer que très peu de famines ou de disettes : l'agriculture était à peine pratiquée dans quelques parties de la wallonies et était nulle ou à peu près, en Flandre. Peu de céréales, donc peu de consommation et le pain n'était pas un aliment de première nécessité.

Par conséquent, c'est sous toute réserve que nous prendrons les faits que nous présentent les chroniqueurs au sujet des disettes et famines, pendant les dix premiers siècles de notre ère.

La plus ancienne "calamité" se rapporte à une chronique rapportée au Comte d'Artois. Les termes ne nous renseignent pas du tout sur ce  qui a pu se produire. La chronique raconte qu'en 371, à la suite d'une sécheresse prolongée,il tomba du ciel une manne sous la forme de flocons blancs. Il n'est pas question de famine ou de disette, mais il paraît que les hommes et les femmes souffraient plus de la soif que de la faim... on dit que jusqu'au siècle dernier on conservait en la cathédrale d'Arras, dans une châsse d'argent, quelques parcelles de cette manne.

Maintenant, que l'on ne se fasse pas d'illusion sur l'Artois du IVe siècle... Par le passé, cette région fut le grenier à blé des provinces voisines, mais elle n'était déjà plus si prospère. S'il faut croire les légendes se rapportant à Saint Vaast, le saint homme trouva Arras à l'état de ruine où couraient les ours !! Saint Rombeau trouva le territoire de Malines infesté de loups ! On dit d'ailleurs que les environs de Bruxelles en étaient encore infestés au VIIIe siècle... Il est question, à cette époque d'une famine qui aurait sévit en l'an 743, partout en Europe Occidentale. Tous les épis de blés auraient été trouvés "vides" : insectes ou larves ? Bref, on a mit cela sur le compte du Diable... Les chroniques ne sont pas plus explicites sur une autre famine qui aurait atteint la Flandre au IXe s. L'an 823, disent-elles, au temps du forestier Inghelram, il survint un violent orage qui détruisit tous les fruits des champs et occasionna une grande disette dans tout le pays de Flandre.

On pourrait en discuter longtemps... L'historien dira que la Flandre était cultivée ou du moins que l'agriculture s'y était développée, alors qu'en fait il n'en était  rien !

Les certitudes viennent de Charlemagne qui, désiteux de voir se développer l'agriculture rendit un capitulaire en ce sens, ordonnant de distribuer des portions de forêts domaniales aux cultivateurs qui souhaiteraient s'y installer. En admettant que les forestiers ne soient pas un mythes, mais bien des personnages réels, alors il est parfaitement possible qu'Inghelram a essayer d'appliquer  dans son gouvernement ce fameux capitulaire. Et les agriculteurs auxquels il fit appel pourraient bien être ces saxons que Charlemagne avait, 25 ans auparavant transférés en Belgique. En ce IXe s., quelques parties de la Flandre auraient donc été offerte au défrichement et à la culture. Progrès fort restreint qui se bornait aux environs des "villes" et des communes naissantes. Défrichement donc et d'autres travaux entrepris par les abbayes établies un peu partout sur ce territoire. L'auteur de la "Vie de saint Folcuin" atteste qu'il n'y avait aucune amélioration dans l'état du pays et de la population. Fleury rapporte qu'à cette époque un évêque de Thérouanne demanda a changé d'évêché... parce que les habitants de sa juridcition étaient "des barbares farouches et indomptables" ! Les loups infestaient toute ces régions, à tel point que Charlemagne ordonna que chaque "comte" entretiennnent deux louvetiers. D'autre part, rien n'indique que les premières incursions des Normen aient eu pour conséquence une quelconque disette du blé ! Il n'y a donc toujours pas de grande extention au commencement du IXe s. Cette disette, rapportée en 843, aura donc été toute relative et s'être fait sentir dans quelques centres habités, peut-être en Flandre française, où le régime alimentaire se modifiait sensiblement.

Une dernière famine se trouve mentionnée au Xe s, en termes très vagues, qui se bornent à nous apprendre qu'en 981 l'abondance des neiges empêcha de semer les grains en temps utiles, que la récolte en fut retardée et qu'en attendant il y eut une disette.

Les deux premières famines sont sujettes à des doutes : celle de 371 serait une simple sécheresse; celle de 743 ne s'appliquerait pas à nos régions. Les deux dernières ont bien sévit dans nos provinces : celle de 823, dans les Flandres françaises; celle de 981, principalement en Hesbaie. Dans ces deux contrées, l'évangélisation est apparu très tôt; les premières elles furent dotées d'abbayes, connurent le défrichement et les cultures. Ailleurs, en Flandre principalement, on était beaucoup moins avancé. Si, dès le VIIe s, il pouvait exister des fondements de bourgs et de villages, les invasions normandes du IXe s. sont venu les écraser et on ne saura jamais si elles renfermaient assez d'éléménts pour se rétablir de ce désastre. Au XIe s, les provinces flamandes et frisonnes sont toujours fort arriérées par rapport aux provinces wallonnes. Depuis le VIe s., cinq centres épiscopaux étaient fondées sur le territoire s'étendant depuis Cambrai jusqu'à Maastricht, alors que l'évangélisation peinait toujours en Ménapie et en Toxandrie. C'est vers la même époque que la wallonie voit s'ériger ses premiers monastères et, conjointement apparaître l'agriculture et une certaine amélioration matérielle.  La Hesbaie, le Condroz, l'Artois, le Tournaisis et le Cambresis virent s'élever près de trente abbayes,la plupart de l'ordre de Saint Benoît. En Flandre et en Campine, ce seront les Bénédictins qu feront les premières tentatives. Dès le VIIe s., Saint Amand jéte les fondements des abbayes de Saint Bavon et de Saint Pierre-au-mont-Blandain. Il en élévera une troisième, à Tronchiennes, sur les bords de la Lys. Selon certains documents, des abbayes selon Saint Benoît auraient existé avant Charlemagne, à Furnes et à Deurne. Malheureusement, l'action de ces établissements n'a pas produit de grands résultats. Dans le principe, ces moines étaient pauvres, vivaient au sein d'une population hostile et, avant tout, étaient tenus de compléter les travaux apostoliques de saint Eloi et de saint Amand parmi les Suèves. Arrivent ensuite les Normen qui saccagent complétement ces trois abbayes qui ne se reléveront jamais de leurs ruines. Ces dévastations seront la cause principale d'un retard conséquent pour la Flandre.

Donc, du VIIe au VIIIe s., l'ordre de Saint Benoît s'établit en pays gallican et wallon. Il y a ensuite un temps d'arrêt avec l'arrivée des Normen. Au XIe s., on observe une reprise dont profite surtout la Flandre Occidentale avec l'ordre de Saint Norbert. Il est certain également que l'amélioration est toute relative et en tout cas fort restreinte car, autrement, comment expliquer qu'il fut encore si souvent question, au siècle suivant, dans les chartes, de terres vagues, incultes ou en friches ??

Au XIe s., nous avons donc trois abbayes : Tronciennes, Saint Bavon et Saint Pierre. Nous dirons que le peuple est évangélisée pour la plus grande partie et qu'il ne manque ni d'églises, ni de chapelles ni d'ermitages... Que l'on pouvait trouver quelques cultures autour des "villes" et villages mais que tous ces efforts ne donnaient pas de grands résultats. Le clergé d'alors ne jouissaient pas encore de grands biens,le peuple ne pouvait en posséder,les cités sont naissantes et les villages, composés de quelques habitations, s'élevaient épars au milieu des bois.

La Flandre restait toujours ce "désert sans fin et sans méséricorde" dont parle l'"Exellente chronique". Le Pays de Waes en formait la plus sétrile et la moins habitable. Une moitié consistait en bois et en bruyères, et l'autre se trouvait périodiquement sous les eaux de l'Escaut. Le Brabant n'avait pas un aspect plus brillant. Ce sera surtout la Campine qui présentera le spectacle le plus désolant de solitude et de stérilité. La vie de Saint Lambert, écrite au XIe s.,trace un triste tableau de ses vastes genetières, de ses marais et de ses landes habitées par des "barbares inhospitaliers, vivant de chasses et de rapines".

Tous ces détails sont nécessaires me semble-t-il pour faire comprendre ce que pouvait être une famine en "ces temps-là". Il faut se rendre compte que les produits de l'ensemencement étaient insuffisants pour les besoins d'une population, si minime soit-elle. Il aurait fallut faire appel à l'étranger pour y suppléer, chose pratiquement imposssible à cette époque où le commerce entamait à peine ses relations par mer et où les transports par terre étaient longs, lents, coûteux et... peu sûrs ! Une disette au XIe s., était donc un fleaux terrible... Parmi les disettes annotées par les chroniqueurs, on remarque celles des années 1010, 1024, 1032 et 1036. Cette dernière aurait été provoquée par une immense quantité de mouches "qui gâtèrent tous les fruits des champs...". Une famine cruelle et dont l'histoire a conservé l'horrible souvenir, celle de l'an 1044, se déclara à la suite d'une sécheresse de trois années consécutives. On nous rapporte que les souffrances du peuple ont été poignantes et la misère affreuse. Dans les campagnes on déterrait les morts et on allait à la chasse des vivants. On se disputait les lambeaux de cadavres. Des hommes, rendus fous par la faim attaquaient les voyageurs sur les chemins. On tendaient des embuscades aux enfants pour les égorger : des festins dignes de cannibales ! Il semble que l'horreurs ait atteint son maximum en Champagne, où, sur certains marchés on exposait de la viande humaine !! Si l'on connaît un peu ce XIe s., on ne sera pas surpris que de tels actes fussent possible... Au delà de ces considérations ou à cause de ces faits précisément, bien des gens de l'époque ont dû réfléchir aux moyens d'éviter à nouveau de tels drames : former des réserves, augmenter la production, étendre les cultures, défricher, endiguer... mais quelle association de particuliers serait venue à bout d'une telle entreprise ? Avec quel mobile, quel but ? C'est alors que les ordres religieux se présentèrent pour résoudre le problème. En fait, eux seuls en avaient les moyens. Ce sont ces considérations qui amenèrent, avant la fin du XIe s., la fondation d'une demi-douzaine d'abbayes en Flandre, dont trois dans les vastes forêts occupant alors le territoire d'Ypres. Notons encore les disettes de 1062, en Flandre et de 1095 dans presque toutes les provinces belges. Cette dernière n'offre rien de particulier si ce n'est le premier exemple de pillage des "châteaux" et des maisons en Flandre.

La première famine que nous rencontrons au XIIe s., est celle de 1125-26. Elle fut causé par l'intensité et la persistance des gelées jusqu'en avril : "Car, quant ce vint sur le printemps,le tamps fut si pervers, tant par pleuves,tant par gelées jusques la moyenne de mars, et puis après vindrent grandes froisures dont l'air estoit si froid que les arbres et les herbes ne pouvoient produire leurs fleurs; toutefois, à très-grand paine florissent-elle en may; car tousjours ou d'un jour à l'autre il plut tant en cel an que les semences des parchestres comme pois, avaines, orges, secouvons et telle manière de grains furent comme tous perdus et mêmes les soilles (seigles) et les bled furent comme tous ars (brûlés)". Ainsi, ce fut la succession de trois saisons calamiteuses : un hiver long et rude, un printemps froid et gibouleux, un été pluvieux et humide qui empêcha les grains de se former, de mûrir et amena la famine. On la ressentit partout en Flandre où les victimes étaient tellement nombreuses que les routes semblaient semées de cadavres humains. Il faut ici signaler la rapacité de quelques usuriers qui avaient accaparés tous les grains importés du Nord par les Hanséates, ce qui amena une hausse factice très au-dessus des prix réels des blés.

Après cette cruelle famine, les chroniques de Flandre annotent trois disettes dans les années 1133, 1146 et 1151. Toutes les trois furent mises sur le compte de la sécheresse. On ne signale rien d'autre de particulier.

Ici, on remarque que les auteurs varient quant à l'année où commença une autre famine. Les uns nous disent 1162, d'autres 1163 et d'autres encore 1165. Si on la fait commencer en 1162 ou 1163, elle aurait dû être terminée en 1170. Or, pour cette année-là la "Chronique d'Anvers "dit "qu'il se manifesta une telle sécheresse que tous les fruits de la terre étaient torréfiés". Et la "Grande chronique de Flandre" d'accord avec cette citation ajoute que la noblesse et le clergé firent tout leur possible pour soulager la misère du peuple. Mais on présume que cette période était tout simplement en déficit continu de denrées. La différence de date peut s'expliquer par le fait que la disette régnait alors dans telle province plutôt que dans une autre et vise-versa pour une autre année... Mais de telles situations n'étaient pas exclusivement causées par un défaut de céréales, témoin la gêne, en 1179, provoquée par une épizootie qui emporta beaucoup de bétail et fit hausser le prix de la viande, de trois deniers jusqu'à trois escalins la livre !

Les dernières crises alimentaires à mentionner dans ce siècle, sont celles de 1183 et de 1196. La première fut provoquée par des pluies diluviennes, principalement en Hollande et en Frise. La seconde éclate en Flandre où elle se serait maintenue une dizaine d'années ! Elle commence par une récolte fort minime, dont la conséquence immédiate est une hausse sur le prix du grain. Cette fois, il y eu famine réelle : les pauvres durent se nourrir de racines sauvages ! Ils se disputèrent les cadavres d'animaux morts de maladie... Ce qui est frappant c'est la séparation nette entre deux dates : 1183 et 1196 et deux parties de territoires peu étendue et dont le climat ne différe guère ... Une autre particularité vient de la durée assignée à la seconde famine, qui se serait prolongée durant près de 11 années... sans que la Flandre ne soit devenu un désert !

Vous penserez : "Mais que font donc les moines...?" Si l'on compte bien une cinquantaine de nouveaux monastères, dont une vingtaine en Flandre, reconnaissons qu'ils étaient pour la plupart d'une date fort récente. La puissante abbaye de Villers, lors de sa construction, en 1137, possédait à peine huit bonniers de terre arable. De Villers à Nivelles, à Jodoigne et à Tirlement, tout le pays était terre de bruyères. La population était à l'avenant et dans un diplôme de la fin du Xe s., les compatriotes de Jean de Nivelles sont encore qualifiés de gens féroces... Le compliment n'est pas flatteur ! Que l'on songe un instant à la situation des Norbertins dans la Campine : les premiers fondateurs des abbayes de Tongerloo, d'Averbode, de Postel et de Bernen avaient eu à lutter contre les dangers, les fatigues, contre une foule d'obstacles naturels, les maladies, les privations que représentent toute colonisation. On imagine mal commment ils ont pu se maintenir durant les disettes et les famines qui se succédèrent durant le XIIe s., car leurs établissements étaient loin des centres populeux, loin des voies de communication... d'ailleurs impraticables plusieurs mois par an !

Arrivera le jour où ces monastères pourront pourvoir à l'entretien de leurs habitants. Le superflu, ils allaient pouvoir l'appliquer au soulagement de l'infortune, chaque fois que la famine moissonnera les populations de Flandre en distribuant des pains et des harengs. Et ce même esprit de sollicitude animera tous les autres monastères. C'est grâce à cette assistance que la misère des hommes pu être atténuée pendant les disettes de 1124 dans le Namurois; en 1232 en Flandre et en Brabant; en 1240 dans le pays de Liège et en 1294 dans toute la Flandre encore. Six crises alimentaires durant ce XIIe s., qui se manifestèrent à la suite de récoltes tardives ou perdues totalement : les unes furent attribuées à la sécheresse prolongée, les autres aux fortes gelées. Aucune ne semble devoir être rangé parmi les famines proprement dites, sauf celle de 1372, qui sévit assez violemment en Frise.

On remarquera - et le fait se présentera souvent... - que les disettes n'étaient pas toujours générales. Elles se bornent très souvent à une région ou à une autre et certaines ne dépassent pas les limites d'un canton ou le territoire d'une ville . La cause en est simple : la guerre ! La guerre qui dépeuplait les campagnes, ravageait les récoltes et pillait les réserves. Cette cause agit pendant tout le XIVe s. sur la France envahit par les Anglais et on assiste à des hausses de prix fulgurantes, variables d'une région à une autre. Le commerce n'y pouvait rien : trop de difficultés de communication et une multitude de juridictions fiscales et seigneuriales qui prélevaient des péages et des louchées, ce  qui augmentait toujours le prix de la chose transporté. D'ailleurs s'il y avait eu un réel bénéfice à transporter les grains d'une province à une autre, on comprend bien que les marchands n'auraient pas laissé échapper l'occasion !

Quand la disette ne franchit pas les limites d'un territoire urbain, c'est ordinairement le résultat d'un blocus ou d'un siège. La ville de Gand l'expérimentera en 1302 : la faction des Leliaerts en était maîtresse et leurs adversaires, les Klauwaerts firent tout pour que l'on ne puisse plus les alimenter.

Au XIVe s., nous rencontrerons d'abord l'année 1315, de funeste mémoire.

Ici, tout le monde est d'accord sur les détails de cette crise causée par des pluies longues et abondantes qui empêchèrent le grain de mûrir. Il commence à pleuvoir le 1 mai et cela durera ... 10 mois ! On suppose qu'il y eu quand même quelques accalmies... En juillet, lorsque l'on constate que la récolte est perdue, les prix des grains montent rapidement et atteignent des taux fabuleux sur les marchés.

Tous les observateurs décrivent la misère et la détresse des populations. On avait jamais rien vu de pareil : "Il y eut des hommes, semblables aux animaux qui allèrent brouter l'herbe dans les champs". On pourrait croire que c'est exagéré, mais Winsemius et Ubbo Emmins assurent que les herbes sauvages et mêmes des charagnes étaient recherchées comme d'excellents aliments ! On signale aussi que l'on allait pêcher les grenouilles... Après cela, on devine que chiens, chats, rats, etc. ne furent pas épargnés ! Durant cette crise nombre d'enfants furent abandonnés par leurs parents et errèrent par les routes avant d'y mourir. Le même sort atteignit beaucoup de mendiants de profession et on vit beaucoup de femmes mourir aux portes des églises avec leurs enfants à la mamelle. Les grands et les riches ne furent pas à l'abri du fléau : Louis X, roi de France, se trouvant à l'abbaye Saint Martin, à Tournai, y souffrit de l faim pendant les quatre jours qu'il y resta, car les vivres manquèrent souvent.

3 novembre 2007

2.5. le monde des loisirs

Le XIXe s., dans  son ensemble est un monde en mouvance continuelle dont on souligne souvent cette émergence du monde ouvrier au travers des naissances successives des mouvements sociaux-politiques.

Un monde dont les contemporains auront décrit l'extrême misère dans l'exploitation de l'homme-machine par une petite élite pro-capitaliste. Disant cela, ils oublient un peu vite que ce "capitalisme" est un vieux principe déjà présent en Flandre au Moyen Age. Ce qui se passera au XIXe s. est différent : le Capital, pour survivre, a besoin de débouchés. Or, dans les événements de l'époque, le monde semble brusquement fermé par manque de nouveaux marchés potentiels. Comment développer la production si l'on manque de clientèle  ? En donnant à la masse populaire les moyens financier lui permettant de devenir "consommateur". Dès lors, il est facile de comprendre que les mouvements de revendication ne sont pas uniquement le fait d'un "socialisme" naissant mais que le bras qui les porte est avant tout celui du Capital oeuvrant pour son bien unique...

Cela, évidemment, l'ouvrier ne le sait pas... !!

La Révolution puis l'Empire ont laissé la Flandre dans un état lamentable. A l'exception de Gand, qui demeure, tant bien que mal un centre industriel très actif, c'est presque le vide. Le flamand des villes vit très mal; celui des campagnes ressemble à un miséreux... Reste  la solution de "partir" ! Quitter sa terre, sa ville, son village, sa famille parfois et s'en aller, là-bas où on acceptera ses bras pour un salaire "miraculeux"...

Ils partiront, d'abord à quelques-uns, puis de plus en plus nombreux au fil du temps, attirés par les échos de ceux qui y sont déjà... A tel point que dans certains villages des environs de Courtrai, les administrations locales s'inquiéteront de ne plus voir dans leurs rues que des vieux et des enfants !!

Alors, le flamand pour oublier qu'il n'est plus chez lui, se recrée un monde à son image. Et si une image est très répandue depuis des siècles et immortalisées par nos plus grands  peintres, c'est bien celle de  la Flandre qui ripaille et qui danse... Alors le flamand va travailler  sans compter et s'amuser sans limite ! Il y aura l'estaminet, le cabaret et tout le mal qu'en penseront les administrations et les milieux industriels... On verra surgir partout des groupes de musiciens, des fanfares, des sociétés de tir à l'arc, des bourleux, etc...

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Les jeux anciens :

http://mincoin.free.fr/region/jeu/jeux.htm

http://www.doullens.org/Luc-Decroix/jeuxpicards/index.php3

http://asso.nordnet.fr/paysdeferrain/theme2001/jeux_traditionnels_origines.htm

Coq - Cooghe :

http://www.histoirederoubaix.com/index.php?page=113&rubrique=roubaix_13&article=76

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2 novembre 2007

3.9. Wattrelos

Je ne peux pas passer sous silence ma patrie et ma ville d'adoption. Né à Wattrelos, de parents de nationalité belge, je suis "fils d'émigrés"... Comme beaucoup d'autres ! Les premières quinze  années de ma vie sont presque exclusivement wattrelosienne avec l'école des frères Mariste, la rue St.-Joseph et le magasin d'alimentation où ma mère était aidante. C'est là que je prenais mes repas, là que j'apprenais mes leçons le soir... C'était aussi ma paroisse avec les années d'enfant de choeur, les copains...

Mes grand-parents paternel sont arrivés à Herseaux, venant d'Avelgem, en 1906 et ils se sont installé à Wattrelos (en fait, rue de Mouscron dans ce "no'mans land" où l'autre côté de la rue était Herseaux -  rue de la broche de Fer...) dans les années 192o - 22. Comme nombre d'habitants du quartier d'alors, leur lieu de travail était en France. Ils ont donc maintes et maintes fois traversé Wattrelos pour se rendre à Roubaix. Sans doute y allaient-ils aussi pour retrouver des membres de leur famille, comme ma grand-mère qui avait une nièce dans le quartier du Pile et un frère à l'Hommelet.

Je vous invite donc à découvrir une série de cartes postales du Wattrelos des années 1905 - 1920 environ. Ces photos sont extraires des calendriers de la Ville de Wattrelos : 1986, 1998 et 2000. Ces cartes postales faisaient partis des collections de  J. Piat, F. Herman, D. Delcroix, M. Vanden Neste.

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On débute avec la Grand-Place...

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1905

C'était la rue du Bureau (celui de l'occroi), aujourd'hui rue Jean-jaurès.

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1905

A remarquer le petit tricycle sur la gauche et le marchand de glace ambulant sur la droite.

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La nouvelle mairie, construite en ... ?

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Vers 1903

Rue Pierre Catteau, l'ancienne mairie.

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1905

La gare, construite en 1898.

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Vers 1903

La Vieille Place

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Vers 1903

Place du Sapin Vert

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Vers 1912 - 1914 : Place du sapin Vert : la ligne 3 du tramway.

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Vers 1903

Rue Pierre Catteau

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1905

Rue Carnot et rue Victor Leplat, quand la rue servait encore de terrain de jeu pour les enfants...

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Vers 1914.

L'imprimeur a fait une erreur: nous ne sommes pas à la Vieille Place, mais sur la Place du Moulin. C'était un dimanche de fêre dans le quartier.

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Vers 1920.

Rue de la Poste, devenue rue Florimond Lecomte. Au centre de la photo, deux facteurs reviennent de leur tournée.

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Vers 1903, photo prise de la Place du Moulin.

Des enfants jouent aux billes, rue de l'Industrie, aujourd'hui rue de Stalingrad.

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1905

Rue du Crétinier

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1905

Quartier du Laboureur (après le pont du chemin de fer - dans le fond - c'est Roubaix).

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Vers 1903

Rue des Champs

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Vers 1905 - 1910

Rue du Vieux bureau, en hiver.

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1918

Entrée de la rue Pierre-Catteau. Il y existait un pont sous lequel passait l'Espierre, pont détruit par les allemands au moment de leur départ de Wattrelos.

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1905

Tourcoing, poste de douane français de la Marlière (Touquet - Saint - Gérard). Au premier plan, l'estaminet Achille Castel et le bureau de l'occroi. J'habitais 100 mètres plus haut, sur Mouscron, dans les années 1970...

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Vers 1905

Le pont Cocheteux. On y remarque un douanier avec son chien.

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Vers 1910

Poste de douane de la Houzarde.

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Vers 1910

Poste de douane de la Houzarde.

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Année... ?

Assis, à gauche un douanier français et à sa droite un douanier belge. Toute l'atmosphère d'une époque révolue...

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Dans les années 1930...

Rue du Crétinier

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Année ??...

Peut-être la poissonnerie qui se trouvait sur la Grand Place... Quant à savoir ce qui s'est passé... ?

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Dans les années 1960

La Grand Place

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Roubaix, il y a 100 ans :

http://www.histoirederoubaix.com/index.php?page=113&rubrique=roubaix_21&article=58

31 octobre 2007

2.4 - le monde du travail - estaminets et commerces

Ou "Toute la vie d'un quartier au travers de ses commerçants".

On pourrait mettre ces estaminets dans une rubrique "loisirs", estimant qu'il s'agissait là de lieux de détente ou de plaisirs, fait de rencontres et de musique et ... d'ivrognerie !

On peut également aborder ce sujet du point de vue du commerçant. C'est ce que l'on tentera de faire ici en soulignant également les dispositions successives des législateurs.

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Reconstitution d'un estaminet fin XIXe s. ( Musée de la Tradition - Wattrelos).

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Reconstitution d'une boucherie (Musée de la tradition - Wattrelos).

Mus_e_de_la_Tradition_23_jan_2007_008

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A SUIVRE...

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Les courées :

http://www.histoirederoubaix.com/index.php?page=113&rubrique=roubaix_9&article=43

http://www.secours-catholique.asso.fr/regard_sur_exclusion/index.php?theme=11

http://asso.nordnet.fr/vandermeersch/expo/courees/courees.htm

http://www.guide-nord-pas-calais.com/la_terre_et_les_hommes_du_nord.htm

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Roubaix : commerces

http://www.histoirederoubaix.com/index.php?page=113&rubrique=roubaix_11&article=52

25 octobre 2007

9.1. - Illust. 2

Travaux des champs

"Vieil rentier d'Audenarde", Bruxelles, Bibliothèque Royale ms 1175.

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Dans les reproductions ci-dessus, on reconnaît très bien deux classes distinctes : le manant et le frère convert. On semble également reproduire des scènes qui ne pouvait se voir que sur des terres abbatiales ou chez les grands cultivateurs, avec une charrue à soc de fer et un cheval de trait.

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"Encyclopédie médiévale", Viollet Leduc

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En Flandres, où les terres sont le plus souvent fortes et argileuse, il fallait des instruments puissants. Dès le IXe s., on voit apparaître la charrue à roue. Au XIIe s., l'araire est relativement perfectionné. L'illustration représente une charrue de la fin du XIIIe s. Elle possède le coutre et le versoir. C'est un instrument qui ne diffère guère de ceux du début du XIXe s. En Flandre et dans le Nord, on voit très tôt des chevaux attelés aux charrues aussi bien que des boeufs. Tous deux tirent sur des colliers.

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Mais pour le petit paysan, il restait toujours ceci...

"Apocalyps van Beatus", en 970.

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Le paysan et sa ferme tel qu'elle devait encore être jusqu'au XIIIe s.

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Le moulin à eau et le forgeron

"Le vieil rentier d'Audenarde"

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Enclume : englume, bigourne

"Encyclopédie médiévale" Viollet Leduc

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Les armures de fer, la grande quantité d'ustenciles et de membrures de fer dont on se servait au Moyen Age firent que les forgerons acquirent une grande habilité. Avant même la fabrication des armures de plates (jusqu'à la fin du XIIIe s.), la fabrication des heaumes de mailles, des armes offensives exigeaient beaucoup d'adresse dans le maniement du fer. Les forgerons se servaient donc d'enclumes de formes variés suivant la nature  du travail.

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Besaigue

Idem, Viollet Leduc

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On voit illustré ici un charpentier muni de ses outils. A sa ceinture est attachée l'escarcelle avec le compas; la doloire est passée à droite dans la courroie et la besaigue à gauche. Avec la hache, le fil à plomb et la tarière, nous avons l'ensemble des outils de tout ouvrier charpentier, et cela depuis des siècles.

Les pans postérieurs de sa cotte sont ramenés par devant, entre les cuisses et retenues par la ceinture. Il porte la cognée sur l'épaule et un fil de manoeuvre autour du cou.

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Laye : bretture

Idem, Viollet Leduc

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Outils de tailleur de pierre, qui servait à faire des parements et même à ravaler les profils larges. On commence à se servir de la laye ou bretture au début du XIIe s. et on ne l'emploi plus à dater de la seconde moitié du XVe s. Cet outil, en forme de marteau taillant, dentelé plus ou moins fin, avait l'avantage de donner un beau grain aux parements et à obliger l'ouvrier à bien dresser les surfaces. L'illustration montre un tailleur de pierre se servant de la laye à un seul tranchant et terminée de l'autre côté en pointe pour piquer les parements et les préparer. En haut, on voit une laye à deux tranchanst, semblable à celle dont on se servait encore au XIXe s. Les ouvriers des XIIIe et XIVe s. étaient très habiles à se servir de cet outil car ils l'employaient pour profiler les moulures,mais aussi pour tailler les draperies des grandes statuts.

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La cotte

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La cotte des hommes est parfois désignée comme chemise du dessus. Cette cotte est le vêtement qui est posé directement sur la chemise et qui appartient à toutes les classes de la société, aux nobles comme aux vilains.

Au Xe s., la cotte est une tunique à manches justes, assez ouverte par le haut pour laisser passer la tête et ne descendants que jusqu'aux genoux. Large à la hauteur de la taille, elle est maintenue autour des reins par une ceinture sur laquelles les plis retombent.  Ce vêtement a la même coupe pour toutes les classes.

Vers la fin du Xe s., les jupes s'allongent, les manches sont tenues plus ouvertes à leurs extrêmités, la ceinture disparaît et le vêtement se serre à la taille au moyen d'agrafes posées sur les bords d'une ouverture pratiquées dans le dos. Habituellement, un manteau plus ou moins long attaché sur l'épaule couvre le dos et ne laisse pas voir l'agraffage. La jupe de cette cotte est très fréquemment tenue plus longue par derrière que devant, mais n'est pas fendue (ci-dessous).

Au XIIe s., on observe des cottes où la manche gauche est plus longue afin de servir de manchon. A la même époque, les gens du peuple, les ouvriers, en travaillant, relevaient dans la ceinture les pans de la jupe et de la tunique de dessous (ou chemise), qui tombaient sur les braies.

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Les deux personnages ci-dessus, à gauche, représentent les paysans; le premier porte des grèves de feutre qui couvrent le tibia par dessus les chausses; le second a mis sa besace en guise de ceinture, et devant lui est suspendu l'étui contenant le couteau et la pierre à aiguiser la faux. Il est coiffé d'un chapeau de feutre gris à poils longs. Les cottes étaient faite de laine ou de grosses toiles.

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La cotte des femmes

La cotte des femmes conserve durant les Xe et XIe s., la forme d'une longue tunique à manches justes sur l'avant-bras. Il semble ne pas y avoir de ceinture. C'était une seconde chemise. La première, un peu plus courte étant désignée sous le nom de "robe-linge". Faite d'étoffes légères à petits plis, très ample en jupe, elle était souvent décorée de broderies au col, aux poignets et au bas de la jupe. Le col était fendu par devant pour permettre de passer la tête et cette fente était fermée par une agrafe ou un bouton. Le vêtement illustré ici est souvent reproduit par les bas-reliefs et les miniatures du XIe s. La taille était serrée par une ceinture d'étoffe assez ample, dont les bouts tombaient par devant. Ce qn'est au'au commencement du XIIIe s. que cette mode subit de notables changements : les cottes ne sont plus taillées dans des étoffes fines, souples à petits plis crpepelés mais dans des draps de soie, des tissus de laine ou de lin assez épais et consistants. Les plis sont alors plus larges.

Ce n'est qu'au début du XIVe s. que les cottes commencèrent à être quelques peu décolletées.

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25 octobre 2007

9.1. - Illust.

Le quotidien et le reste...

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La faux

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Cet outil agricole remonte à la plus haute antiquité. On le voit durant tout le Moyen Age sur des monuments depuis le Xe s., avec quelques variantes. Le fer est parfois muni d'une douille dans laquelle entre le manche de bois. Ici, le faucheur aiguise le fer à l'aide d'une pierre de grès ou de calcaire schisteux. Le manche laisse voir deux saillies, deux arrêts qui maintiennent la main droite. Plus tard, le manche de la faux est souvent muni de deux poignées à l'extrémité pour la main gauche, l'autre vers le milieu pour la main droite. Ce faucheur est vêtu d'une simple chemise de toile. Entre la main des paysans,la faux, au besoin, est une arme de guerre.

Illustration : "Encyclopédie médiévale", Viollet Leduc.

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La faucille : faucillon, fausague

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Dès le XIIe s., les représentations de faucilles reproduisent exactement celles usitées aujourd'hui. Cependant, vers la fin du XIIIe s., on voir entre les mains des cultivateurs des faucilles munies au dos d'un tranchant qui servait à émonder les arbustes. Avec le tanchant du dos, en donnant un coup, on faisait une entaille vive et franche. L'illustration montre une de ces faucilles. Dans un missel du XIIIe s., on voit ce paysan vêtu d'une cagoule sans manches pardessus sa cotte. Cette cagoule est bleue et la cotte à manches pourpre. Les chaussettes sont bleues.

Illust. Idem ci-dessus

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Le bâton : bastobcel, bouhours, escoper, fût, waruqueau,locque, santon, vaule...

Bâton ferré : bedail, coufourt, gaffe, panchon, princhon, sappe, tinneul, thorte...

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La quantité de mots pour désigner un même objet indique que les usages auxquels le bâton est destiné devaient être nombreux. Parmi les gens de guerre, on désignait par le mot "bâton" toute arme d'ost. Tout paysan était muni d'un bâton : c'était la seule arme qu'il pouvait porter et il s'en servait parfois de manière très habile. Les bergers, jusqu'au XIVe s. portaient un bâton terminé par un gros bout ou une crosse, afin de pouvoir lancer des mottes de terre aux brebis qui s'écartaient du troupeau. Quand les combats judiciaires étaient autorisés entre vilains, ils devaient se servir de bâtons de mesure et d'un bouclier ou targe carrée tenus de la main gauche (ci-dessous). Les seigneurs terriens faisaient exercer leurs vassaux qui devaient le service de "piétons", au jeu du bâton long de six pieds. Le bâton des pélerins porte le nom de bourdon. Le "tineul" était un gros bâton qui pouvait servir au besoin de levier ou de support horizontal, notamment pour les porteurs d'eau.

Illust. Idem ci-dessus

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Vilains, bâton de mesure et targe carrée.

Illust. idem ci-dessus

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en cours...

24 octobre 2007

9 - Chap.VI : L'äge du Temps...

On meurt beaucoup dans ce temps où l’on entre avec peu de chance d’y rester et où l’on fait figure de vieillard à cinquante ans.

Avec le médecin, on a de forte chance d’arriver encore plus tôt au cimetière. D’abord, il coûte cher et son état de clerc l’enferme dans un formalisme étroit qui ne lui laisse que la possibilité d’examiner et de prescrire en invoquant l’autorité d’Hippocrate et de Galien. Pour les soins, qui ressortissent au travail manuel, il faut s’adresser au chirurgien, lequel n’est en fait que le barbier, plus ou moins spécialisé dans le maniement de la lancette et des sangsues. Alors, plutôt que de recourir à ce système onéreux, on va plus volontiers chez le guérisseur. Ce monde fait le triomphe du saint homme, ou du sorcier. D’ailleurs, on ne se trouve pas plus mal d’une tisane à la composition soigneusement transmise de génération en génération que d’une saignée prescrite en latin et pratiquée sans désinfectant ! Chacun sait qu’il vaut mieux faire panser un blessé chez le barbier que de le conduire chez le mire qui ne mettra pas la main à la plaie…

A votre époque, en gens « civilisés », le regard que vous portez sur nous reflète la somme d’erreurs que colportent vos maîtres à penser…manque d’hygiène, dites-vous ! que devrais-je penser de la vôtre qui s’étale de tout son long sur vos écrans colorés et qui vous fait croire que « truc » ou « machin » vous sont indispensable comme vous le vante « Dame publicité ». Parce que vous êtes aussi d’une crédulité désarmante ! Tout autant que nous l’étions…

Notre idéal, après une longue journée, passe par un bassin d’eau et du linge propre. Et sans doute est-ce vrai que l’égout est au milieu de la chaussée et que les immondices font des talus aux portes de nos cités ! Chose qui était toujours vraie, en votre temps, il y a seulement quelques décennies… Ce qui prouve que vous avez la mémoire courte ! Mais dois-je vous rappeler que nos organismes étaient plus « naturellement » résistant. Que si nous avons connus bien des épidémies, vous en connaissez aussi votre lot et qu’à cet égard, votre médecine est aussi incompétente que la nôtre… De notre temps, nous pouvions mourir d’une grippe, il est vrai, ou de la petite vérole, ou encore de la rougeole, de la coqueluche même… Vous avez vos accidents de la route et autres, la pollution, vos multiples maladies dites « professionnelles » et une foule de maux modernes, liés à votre inaptitude et à votre inadaptation à votre milieu de vie. A chaque époque ses problèmes…

De mon temps, personne n’aurait pu penser à découper sa vie en « années », cette notion – en mode de calcul – étant tout à fait étrangère à l’homme médiéval. Pas plus que de séparer le temps en événements, tels que l’âge de la majorité ou l’âge de la retraite. La vie adulte commence tôt, et se termine quand l’homme est trop perclus pour guerroyer ou pour moissonner. Alors commence la vieillesse vécue, le temps où manquent les forces. Ainsi, l’âge ne joue pas vraiment un rôle déterminant dans la condition sociale, pas plus d’ailleurs que dans la vie éternelle ! Notre condition de chrétien inscrit le temps dans une éternité dont la vie n’est qu’un fragment, et la vieillesse un moment sans âge. Le calendrier liturgique, sous forme cyclique, exclue le temps réel et avec lui la vieillesse vécue.

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Il y a des années déjà que j'ai "copié" cette photo sur le Net... Un visage d'aujourd'hui qui aurait pu être d'hier !

Photo qui illustre parfaitement ce thème de la vieillesse...

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- La vieillesse-temps : dans la vie conventuelle, se rassemblent des hommes et des femmes figés dans une litanie récitée sans commencement et sans fin. Membres d’une communauté et non plus individus, les moines et les nonnes ne naissent pas et ne meurent pas. De même qu’ils n’ont plus de famille ni de lignée, de même aussi qu’ils n’ont plus de nom que celui d’un saint dont ils perpétuent l’image ; ils n’ont pas d’âge, pas de vieillesse. Les règles monastiques ne parlent pas de l’âge et  les statues romanes aux porches des cathédrales représentent des hommes intemporels.

- La viellesse-vie : les vieillards existent à titres individuels, et ne manquent pas dans les listes d’évêques ou de rois, de seigneurs ou de bourgeois des premières villes – tous  gens dont la vie est « protégée ». Mais, dans notre milieu, celui des humbles, pas ou peu de vieillards… Il n’y a que des adultes !

C’est avec beaucoup de précautions que vous devez utiliser les travaux démographiques, peut-être exacts dans les nombres, mais certainement pas dans leur mentalité. Dire que les plus de soixante ans représentent 10% de la populations, avec toujours plus d’hommes que de femmes, tenant compte de la très forte mortalité infantile, n’est jamais qu’une statistique satisfaisant votre esprit mathématique. Pour nous, qu’importe cette notion quand l’homme de mon époque ignorait totalement son âge, n’ayant aucune idée de sa date de naissance. Ceux qui pouvaient avoir une petite notion du temps pouvaient tout au plus avancer, pour leur âge, des multiples de 5 ou de 10. Un « à peu près » ! L’absence de références aux dates pouvait dans le meilleur des cas être remplacé par une référence à des événements mieux situés les uns par rapport aux autres. La vie prend le ralais de l’âge.

- La vieillesse-condition : dans les âges sombres, l’Eglise demeure le seul élément d’unité et si elle tente de protéger le faible, elle n’apporte rien de spécifique à la condition du vieillard. Ce temps ne voit pas dans l’âge une raison de statut protégé.

Une diversification des conditions de la vieillesse se fait néanmoins sentir, en rapport avec le milieu social, et devient la pratique du Moyen Age classique, reflétant les trois conditions de l’homme médiéval en raison de trois ordres qui composent alors le peuple chrétiens selon Aldabéron de Reims. D’un point de vue général, la classe des vieillards – les « Anciens » des sociétés traditionnelles » -  ne joue aucun rôle important dans la société, société de gens qui meurent jeunes, de guerriers et de paysans qui ne valent qu’à l’époque de leur pleine force physique.

Ainsi, cette société ignore la gérontacratie.


  1. Oratores : le clergé compte, en comparaison avec les autres groupes sociaux, la plus grande proportion de vieillards. Les clercs se trouvent protégés par leur caractère sacré, protégés des disettes et des carences alimentaires de la vie courante dans les monastères, et des excès ponctuels par leur règle, protégés des épidémies par leur isolement relatif. Enfin, leur fonction leur évite des fatigues excessives, et les moniales n’ont rien à craindre de la maternité. Il est donc logique de trouver chez les ecclésiastiques des cas fréquents de longévité, et même de longévité active. En principe, actifs jusqu’au bout, certains prêtres sont contraints par la décrépitude d’abandonner leur ministère. Preuve que leur nombre n’est pas négligeable, des hospices pour prêtres apparaissent au 13e s. Le premier en date semble être celui de Tournai, ouvert par Walter de Marvis, dans lequel les prêtres qui y sont retirés sont occupés à de petits travaux d’entretien ou de ménage ou encore les portes, les cloches, le jardin. Il y a là l’ébauche d’un statut de la retraite dans un corps social particulier.

  2. Bellatores : l’aristocratie des guerriers conserve et protège ses vieillards au coeur des lignages. Déjà soucieuse de sa survie, elle fait obstacle à l’éclatement des familles, dont la fortune est essentiellement foncière, et dont la fonction principale, pour laquelle le système féodal n’imagine pas de limitation d’âge, est la défense du fief. Dissocier les terres ou disperser les hommes condamneraient le lignage à disparaître à plus ou moins long terme. De plus, chasses et festins, guerres privées ou guerres royales ne sont guère concevable en dehors du groupe. La clef du lignage aristocratique est le rassemblement de tous les rameaux des parentèles sous l’autorité du plus ancien. Il n’y a pas de retraite concevable dans le milieu des bellatores. Au reste, en tournois ou en batailles, lorsque le chevalier est enfermé dans l’armure, le heaume sur la tête, il n’y a pas plus d’âge que de visage, il n’y a ni vieux ni jeune. Il n’y a que des forts et des faibles. Les premiers doivent vaincre, les seconds doivent mourir. Au sommet de la pyramide, il y a les rois, suzerains de tous les autres. Pas de vieillesse pour eux non plus ou plus exactement, pas d’âge. Sorti de l’enfance, ils disposent de l’entière majesté royale et exercent les pouvoirs. Il convient quand même de remarquer que beaucoup de souverains s’entourent de conseillers âgés. Présent à la guerre et présents dans l’Eglise, ils sont également présents en politique. 

  3. Laboratotes : dans ce cas, la vieillesse semble devoir être une condition variable, relative à une série de facteurs individuels. En Picardie, d’après les travaux de Robert Fossier, on voit le modèle de la famille devenir étroitement familial, au détriment de la famille large de type patriarcal, à l’intérieur de laquelle se trouvait normalement assurée la survie des vieux. Le tournant décisif semble se produire vers le 11e s., où l’on assiste, avec l’éclatement des terres et la dispersion de l’habitat, à un éclatement de la famille en unités autonomes plus réduites : les vieux ne s’y trouvent plus considérés comme des anciens intégrés au noyau familial, mais comme une charge plus ou moins parasitaire. Malgré les coutumes qui leur laissent une puissance paternelle entière, les vieillards incapables de travailler ou veufs, les veuves surtout, doivent s’en remettre aux chances incertaine de l’affection. Il semble cependant que l’apparition progressive des noms de famille ait eu pour effet imprévu de resserrer les liens entre les générations. Au reste, le vieillard, dépositaire d’expérience, mémoire et témoin du passé, peut toujours jouer le rôle moral dans la communauté villageoise. Dans les villes, dès le 13e s., on voit apparaître, sur des initiatives variés, des asiles spécialisés. Le concile de Mayence demande, en 1261, que chaque monastère soit équipé d’une infirmerie pour recueillir les vieillards pauvres. En Flandre, où la bourgeoisie s’enrichit, on reçoit, dans les « petites maisons » des veuves et des veufs, mais de bonne conduite et de bonne origine. En dehors de l’incapacité physique, la notion de vieillesse reste confuse dans les esprits médiévaux.

Pourtant, ce «temps-là» a décrit et représenté la vieillesse, pour l’essentiel et le symbolique, en descriptions et en écrits marqués par l’abstraction et le pessimisme.

Etienne de Fougères, évêque de Rennes, laisse à la fin du 12e s. un poème, «Sur la vieillesse», premier texte médiéval sur le genre. Au 13e s., Philippe de Novare lui consacre une grande partie de son traité sur «Les quatre âges de l’homme », cependant qu’Arnaud de Villeneuve publie une « Défense de la vieillesse » et que Roger Bacon compose «Le soin de la vieillesse». On retiendra comme particulièrement représentatif le «Roman de la Rose», grande poésie didactique, qui, au milieu du 13e s., sous la plume de Guillaume de Lorris, trace un portrait pessimiste de la vieillesse, annonciateur des réflexions amères de la Renaissance et du 17e s., mais également porteur d’une méditation sur le temps qui passe, annonciatrice des thèmes favoris des grands lyriques, de Villon à Lamartine.

Mais combien de lecteur pour le «Roman de la Rose» ?

De même, le sens symbolique des fresques et des sculptures qui ornent désormais les églises et les cathédrales romane et gothique reflète surtout l’intemporalité de l’âge médiéval. La barbe indique la vieillesse, comme le livre indique la sagesse et la faucille le moissonneur. Tels sont les vieux saints et les prophètes des cathédrales de Chartes et de Reims. Les rides sont exceptionnelles, les visages ne souffrent d’aucunes déformation : ils sont beaux !

LES VIEILLARDS AU TEMPS DE LA PESTE ET DES GUERRES

Nous avons vécu très durement ces deux siècles (14e- 15e s.). La guerre était à peu près constante, la peste la plus grande et les épidémies latentes, les famines et les massacres créent le décor. L’insécurité domine tout : villages abandonnés, retour des friches, soulèvements urbains, passage des Ecorcheurs se mêlant aux extravagances des Cours flamboyantes et aux bûchers. Est-ce parce qu’avoir atteint un âge avancé suppose l’acquisition d’une résistance immunitaire à beaucoup de maladies du temps ? Les épidémies ont pourtant bien tué plus de jeunes ou d’adultes que de vieux. Après 1348, la proportion de vieillards augmente et la mortalité devient sélective. En 1418, le «Bourgeois de Paris» voit peu de vieillards parmi les morts du temps, et la même observation est faite en 1445, à l’occasion de la petite vérole : elle frappe les enfants. Ce qui lui vaudra le nom de «peste des enfant ».

De ce temps, on retiendra les pertes humaines considérables…

Comment dénombrer les victimes et les survivants ?

Le cours du temps nous a laissé quelques éléments d’appréciation : les premiers registres de mariage et de naissance de certaines villes d’Italie, des registres de sépultures de certaines cités de France et d’Allemagne, des dénombrements de population, à Ypres notamment à partir de 1431, qui suivent les dénombrements des feux de 1328 en France, ou mieux encore, le «Livre des tailles» de 1292… Les conclusions concordent : le temps des épidémies est plus qu’aucun autre celui de la vulnérabilité de la jeunesse. Le résultat est que la mortalité fait ployer les villes sous le nombre des vieux. Ils peuvent alors représenter jusqu’à près de 20% de la population. L’espérance de vie est alors très basse, à peine 20 ans. Ainsi, les hommes de 40 ans passent-ils facilement pour des vieux. C’est de là qu’est née cette image qui demeurera telle jusqu’au 19e s. : l’image du couple biblique, Joseph vieux et Marie toujours jeune.

Alors que les vieilles femmes restent veuves, les hommes vieux se remarient avec des filles jeunes ; les écarts de 20 à 30 ans ne sont pas rares et peuvent être de 50 à 60 ans entre le père et ses enfants les plus jeunes. Les vieillards restent plus longtemps à la tête de leurs affaires, directement retransmises aux… petits-enfants ! Le temps permet l’accumulation d’un capital plus important, la monopolisation du pouvoir de décision, l’accès aux charges, le renforcement du pouvoir économique et politique des Anciens, qui tiennent les clans familiaux des villes et des campagnes où se constituent des lignages très larges.

Du grand-père au petit-fils : la génération sacrifiée va se venger !

Faut-il s’en étonner ? Cette hostilité transparaît dans toute la littérature des 14e et 15e s. Elle ne dénonce pas la vieillesse pour elle-même : elle met en cause la pouvoir social. Alors que tant d’hommes âgés monopolisent les jeunes beautés, le thème du mari trompé ou impuissant est porteur de toutes les rancœur d’une génération contre une autre. Il prête à rire, pourtant, il permet de se poser des questions fondamentales. Dans mon temps, les vieux monopolisent ce que veulent les jeunes : le pouvoir, l’argent et les femmes. Plus les vieux jouent un rôle effectif, plus ils sont décriés, enviés… Certes, le vieux devient également sujet de méditation sur le temps qui passe. Dès lors, le rejet est multiforme. Le grand nombre de vieillards fait qu’on les retrouve dans des situations qui vont du ridicule à l’odieux et ce sera toute une littérature qui exprimera la jeunesse avec grâce et mélancolie et que Villon, dès ses 30 ans se montrera obsédé par  «l’entrée dans la vieillesse ».

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chartr10chartr11chartr14Cathédrale de Chartres. Les "vieux" sont beaux... sans une ride !

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