Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog de JeanM
21 novembre 2007

4.7 Les temps de la faim - 4

Au terme de la trève, la cherté revient à l'ordre du jour. La baisse ne se déclare qu'au printemps suivant, après de fort arrivage de la Baltique.

Une sécheresse persistante, en 1626, tarit routes les sources, même les endroits marécageux... En 1948 et 1650, les peurs avaient une cause contraire : persistance d'un temps humide et pluvieux. En 1650,les grains avaient versés et étaient menacés de pourriture. Mais les pluies cessent et on peut procéder aux travaux de moissons. En 1675, ce sera le prix du pain qui occasionnera quelques mécontentement en Belgique.

Durant les dix dernières années du XVIIe s., notre pays est constamment le champs de bataille où les armées étrangères viennent vider leurs querelles politiques. Il s'en suit tout naturellement une disette qui sera presque incessante. A Anvers, en 1693, trois émeutes successives y éclatent et se terminent par le saccage et le pillage de plusieurs boulangeries et brasseries...

Ce seront 1698 et 1699 qui seront les années les plus calamiteuses. Un violent orage, survenu le 9 juin 1698, ravage une grande partie de nos provinces. Des grelons d'une grosseur exceptionnelles avaient haché les champs. On rapporte qu'en divers endroits, ils s'étaient "congelés sur place, présentant ainsi, en plein été, le phénomène hivernal du verglas" ! La zone atteinte couvrait un bon tiers du territoire de la Belgique. La situation de crise oblige les autorités, par placard du 9 novembrev 1698, à interdire les exportations de grains sous peine de mort !! A Anvers, où de nouveaux troubles risquaient toujours d'éclater, on prend un certains nombre de mesures afin d'éviter l'usage du grain : non seulement on interdit la fabrication du genièvre, mais on interdit également aux boulangers la fabrication du "pain d'épice" dont la consommation étaient alors beaucoup plus élevée que de nos jours. Par contre, on autorise la fabrication d'un pain composé de froment, de seigle, d'orge et d'avoine. Le goût ne devait guère plaire aux consommateurs puisque beaucoup de gens préférèrent se nourrir de farine de sarrasin délayée avec du sel et de la levure, en un mot ce que l'on appellera plus tard "koekebakken" ou "boekweitkoeken"

Le XVIIIe s. s'ouvre sur un événement qui devait avoir une immense importance pour l'agriculture et pour la population. Plus de cents ans s'étaient déjà écoulés depuis que Charles Clusius et l'amiral Walter Raleigh avaient fait connaître la pomme de terre, le premier en Belgique et le second en Angleterre. Mais la plante n'était alors connue que des seuls botanistes et de quelques curieux qui la cultivaient dans leurs jardins comme une curiosité. Vers l'an 1650 seulement, on commence à en parler en Flandre. Un frère charttreux, Robert Clarke, apporte quelques tubercules d'Angleterre. Elles furent plantées près de Nieuport, mais la tentative demeure sans suite... Le "solanum tuberosum" reste donc dans le domaine de la botanique. Un ecclésiastique d'Anvers, François Van Stenbeek, botaniste reconnu, en possédait un plan en 1675, mais il ne semble pas avoir essayé d'en développer la culture.

En fait, la omme de terre doit lutter contre un préjugé qui la faisait regerder comme nuisible et malsaine. On ne pouvait pas imaginer, à l'époque, qu'une plante aux fleurs vénéneuses puisse produire des fruits sains et nourrissants ! Ce sera un habitant de Bruges, nommé Verhulst, qui distribura aux cultivateurs de Flandre une grande quantité de pomme de terre, sous la promesse formelle de les planter. On admet que les premières récoltes servirent d'abord au bétail... qui ne fut pas empoisonné ! Ce sera vers 1740 que l'on verra apparaître les premières pomme de terre aux marchés des villes. On aurait dû élever une statut à ce modeste Verhulst... au lieu de l'oublier complétement ! Mais l'homme n'est jamais assez prudent losqu'il déclare alors :Désormais, les famines seront impossible !". Fol orgueil qui recevra quelques châtiments éclatant...

Le XVIIIe s. nous offrira un tableau bien différent du XVIIe s. D'abord parce que rien de particulier ne se passera durant la première moitié de ce siècle s'il faut en croire les annales : ni la guerre de succession d'Espagne, ni le terrible hiver de 1709 n'auraient occasionné de disette.

Mais après l'hiver 1740, on est moins heureux. Le froid persiste durant tout le printemps : en juin, les arbres étaient encore sans feuilles et les près sans herbe. Nouvelle flambée des prix... Le foin lui-même devient tellement rare que mêem le bétail meurt de faim ! Des importation hollandaises rétablissent peu à peu l'équilibre. Une autre disette de déclare en 1781, principalement en Hollande.

Entretemps, la culture de la pomme de terre s'était propagée à toute l'Europe. Seule la France résistera longtemps...

En 1783, survient un phénomène sans explication : un brouillard sec s'étend sur presque toute l'Europe ! Il apparaît le 29 mai à Copenhague, enveloppant le Danemark et le Jutland. On l'observe successivemnt en Angleterre, en Hollande, en Belgique, en France, en Allemagne et en Italie. Il franchit ensuite la Méditerranée et arrive le 1 er juillet sur le mont Altaï...

Le 13 juillet 1788, vers midi, une nuée "parfaitement noire et opaque" se forme sur le golfe de Gascogne. "Sillonnée en tous sens par la foudre, portant dans ses flancs la ruine d'une foule de laboureurs" elle franchit en deux heure l'espace entre Bayonne et le Rhin, traversant ainsi la France et les Pays Bas "sur une longueur de 250 lieues et une largeur de 50". Durant les sept à huit minutes que durait son passage dans chaque localité, une obscurité profonde voile l'horizon et une grêle effroyable se décharge sur les campagnes et hache le blé sur place...

1794 : la Belgique vient d'être violemment réunie à la France républicaine. Les campagnes sont vidées par les incessantes réquisitions des agents de la Convention et le "maximum" est en pleine vigueur. On disait alors des républicains  : "gens sans culottes mais non sans vastes poches"...! Bref, la disette devient extrême ! Ajoutons que la classe ouvrière était au chômage : presque tous les établissements industriels et le commerce en général connaissainet une stagnation complète. Il y eu aussi un hiver rigoureux et l'on assista unpeu partout aux mêmes scènes : des hommes et des femmes, dès 6 heure du matin, assiégeant les portes des boulangers, offrant des assignats pour avoir du pain qui contenait souvent plus de son que de farine.

__________________________________________________________________________________________

Il faut maintenant faire uen distinction entre "disette réelle" et "disette factice".

Cette dernière peut être le fait d'individus spéculant sur les besoins publics, mais elle est bien plus souvent la faute des gouvernements. C'est à eux qu'il appartient de prévenir les disettes réelles en s'abstenant de ces brigandages organisés que les diplomates qualifient pompeusement de "guerres politiques" et qui n'ont d'autres résultats que de se faire entretuer des milliers d'hommes, d'aggraver les impôts, de ruiner les peuples, de spolier les cultivateurs, de ravager les campagnes, de suspendre la production et de provoquer ainsi des hausses artificielles sur tous les articles de consommation !

Par conséquent, les disettes résultant des rassemblements armés, des dépradations de la guerre, des arrangements politiques, sont des disettes fcitives, tout comme celles provoquées par les spéculateurs ou par les restrictions douanières. C'est le fait des hommes...

Les disettes "réelles" ont leur origines dans la  nature avec des causes diverses : essentiellement climatiques comme les grêles,les pluies, les gelées, les sécheresses, les inondations, les  ouragans. D'autre scauses seront cryptogamiques ou dû à des larves d'insectes.

Venons-en au XIXe siècle... La première disette se déclare après l'hiver 1801, extrêmement doux qui fut suivi d'un printemps hivernal : des vents arides et des gelées tardives détruisent les floraisons précoses. Les prix des grains s'en ressentent : en juillet 1802, l'hectolitre se vend 36 fr 30...  Ici, il peut paraître évident que la disette serait dû à une insuffisance des récoltes, mais les prix sont bel et bien factices. On constate en effet que les prix moyens n'étaient alors que de 22 fr 07 pour le froment et de 16 fr 04 pour le seigle...

Plus grave sera la situation de 1812... C'est l'époque où l'empire napoléonien s'étend des rives du Tibre à celles de l'Elbe. Il était à l'apogée de sa puissance. Une affreuse sécheresse qui s'était prolongée durant tout l'été de 1811 et où s'étaient mêlées des orages violents avait ruiné les céréales dans presque toute l'Europe. Le blé grimpe à 70 fr l'hectolitre ! On entre alors dans l'hiver 1811 - 1812 durant lequel Napoléon achève ses immenses préparatifs pour la funeste campagne de Russie. Le peuple pendant ce temps murmure et Napoléon le sait : pressé de ne plus les entendre, de décharger sa politique de toute connexion avec la cherté des vivres, il flatte les masses qu'il fait souffrir. Il accuse les fermiers et les détenteurs d'abuses de la détresse du peuple et d'&élever les prix hors de toute mesure...

Mais même les procédés violents ne peuvent venir à bout de la hausse qui est d'autant plus forte qu'on écarte davantage le commerce...

"Ainsi, observe M. Thiers, la veille même du jour où Napoléon partait pour une guerre insencée - celle de Russie - il essayait de violenter ce qui n'a jamaus pu l'être, le commerce, en lui imposant des prix arbitraires. C'était comme un témoignage d'affection qu'il voulait donner à ce peuple français dont il allait conduire des milliers d'enfants à la mort, triste témoignage, qui n'était qu'une flatterie vaine et funeste, pour apaiser les murmures que la faim et la conscription élever jusqu'à lui".

Maintenant, on ne trouve guère de trace d'une sécheresse quelconque... On sait que les récoltes ont réussit dans le Midi et que la disette de 1812 n'aurait atteint que la Belgique. On sait aussi que dans les département du Nord, le sac de blé atteignit 165 fr !! Le blocus continental empêche l'arrivage des grains de la Baltique. Ce même blocus interdit aux grains du Midi de remonter vers le Nord : le cabotage étant à grand risques en présence des croiseurs anglais. Dans les faits, les décrets de Napoléon autorisant une tarification arbitraire, datés des premiers jours de mai 1812, n'exercèrent aucune influence...

Il faut attendre la récolte de 1812, qui sera réputée "heureuse", tout autant que celle de 1813, pour voir le terme de la détresse. A propos de la récolte de 1813, il est à signaler que les fameuses gelées de 1812 n'agirent pas sur les céréales, malgré les - 17° que l'on a enregistré en Belgique, avec trois semaines de gelées consécutives.

La grande disette des années 186 - 1817 eut diverses causes : d'abors les invasions des aliés en France et en Belgique où les réserves étaient déjà extrêmement faibles après les campagnes de 1814 - 1815. Les pluies ensuite, survenues en juin,juillet et août, entravent les travaux des moissons. Les grains ne purent rentrer que considérablement avariés et la récolte fut extrêmement mauvaise, tant pour la quantité que pour la qualité. Il faut ajouter les déficit dans le fourrage et les pommes de terre et les pertes dans le bétail. Ces années-là, la misère fut extême pour les pauvres et entraîna une grande mortalité. Des désordres apparaissent à Anvers, Bruxelles, à Gand où les boutiques des boulangers sont attaquées et pillées. On note encore un déficit partiel en 1818 - 1819 - 1820. Le prix du grain baisse et se maintient jusqu'en 1825.

Viennent ensuite les hivers 1826 - 27, 1828 - 29 et 1829 - 30 très rigoureux durant lesquels le thermomètre descendit jusqu'à - 18°. En fait le déficit des récoltes serait dû en ces années-là à la présence du "cécydomyie", petit diptère dont la larve dévore le pollen des arganes mâles du froment.

Après la crise politique occasionnée par la séparation de la Belgique et de la Hollande, le commerce des grains prend un certain développement, les récoltes généralement favorables aidant, les prix de 1833 reviennent à un taux fort bas. Pour faire taire les plaintes des cultivateurs, une loi établit l'année ssuivante ce que l'on appelle l'échelle mobile en mettant des restrictions à la libre entrée du froment et du seigle, tant qu'il n'aurait pas atteint respectivement le taux moyen de 20 et de 15 fr, calculé d'après les prix moyens hebdomadaires des dix principaux marchés du pays. On songea même à renforcer ces directives. Une loi fut adoptée en 1845 par les deux Chambres. Elle allait être promulguée malgré les réclamations générales lorsqu'une calamité imprévu vient faire avorter cette nouvelle législation que les populations avait surnommées "loi de famine".

Encore un petit retour en 1842 qui mérite ici une attention particulière, ayant beaucoup d'analogie avec celle de 1801. Après quatre ou cinq jours de petites gelées, en décembre 1841, survient un temps fort doux jusqu'à la fin du mois et les températures se maintiennent jusqu'à la mi-mars 1842 avec des alternatives de pluie et de beau temps. Le thermomètre marquait constamment 8 à 12° et montait même à 20°. La végétation est donc précoce, mais le froid et la neige surviennent le 15 mars : toute croissance est brusquement interrompue. Les premières chaleurs se manifestent le 18 avril et la verdure reparut du 20 au 26 de ce mois. L'été qui suivit fut tempéré, sans grandes pluies et sans  excès de chaleur. Dans ces circonstances, la moisson fut excellente.

Donc, trois ans plus tard, l'Europe est envahit par un nouveau fléau, qui allait régner dix années consécutives. Fléau mystérieux pour les uns, facile à expliquer pour les autres. On constata que le mal était bien plus grave qu'en 1781. Il ne se bornait pas aux tiges, mais attaquait les tubercules mêmes qui se couvraient de taches, devenaient noires, exhalaient uen mauvaise odeur et pourrissaient par millions... On a d'abord cru que ce mal pourrait se borner aux espèves hâtives et épargnerait la provision hivernale : espoir déçu. Dès que l'on prit conscience que le déasatre était complet,la hausse de la pomme de terre s'envole de 3.50 à 4 fr l'hiver précédent à 9 à 12 fr l'hectolitre ! Et encore s'agissait-il de tubercule de médiocre qualité. Les bonnes pommes de terre étaient si rares que les riches se les arrachaient au poids de l'or... Naturellement l'anéantissement de la récolte de pomme de terre réagi sur les prix des grains et des autres denrées, le tout à la hausse  ! On constate cependant que ces hausses étaient différemment appliquées selon les régions. Seule issue pour le gouvernement : permettre la libre entrée des cérales et autres denrées ! D'autre part 2 millions de francs furent alloués aux communes, soit à titre de prêt soit à titre de secours. Cette dernière mesure était indispensable pour les petites communes rurales où les petits exploitants et les ouvriers, qui se nourrissaient des pommes de terre cultivés dans leurs jardins, étaient menacés d'être décimés par la famine par suite de la destruction de leur récolte... Mais tout cela ne dissipe pas la crise !

Publicité
Publicité
Commentaires
Le blog de JeanM
Publicité
Derniers commentaires
Publicité